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La semaine de 4 jours Une mesure de réduction du temps de travail ?

Parmi les tendances à l’agenda des conversations actuelles sur le monde du travail, il y a la semaine de 4 jours. À ne pas confondre avec la semaine des 4 jeudis, expression héritée de la IIIè République pour dire « Quand les poules auront des dents ». Car la semaine de 4 jours, ce n’est pas une utopie. C’est déjà une réalité, au moins en test, pour un nombre non négligeable d’entreprises, et ce dans tous les secteurs, depuis les start-ups de la tech jusqu’à la grande distribution en passant par les services publics, les services aux entreprisesl’énergie ou l’industrie

Avant de céder à un enthousiasmant « travailler moins pour faire plus d’autre chose », il va falloir se mettre d’accord sur ce que l’on entend par « semaine de 4 jours »… Et répondre à la première question qui taraude : la semaine de 4 jours, c’est avec ou sans réduction du temps de travail ?

Comme un 4/5è payé 100 % ?

La semaine de 4 jours, n’oublions pas que ce sont les mères de famille (et dans une proportion moindre, les pères) qui l’ont inventée, avec le temps partiel et son fameux mercredi-jour-des-petits. Sauf que dans les cas des mères à temps partiel, c’est une semaine de quatre jours payée à 80%.

Donc, quand on parle de semaine de quatre jours dans les années 2020, il vaut mieux préciser que c’est 4 jours payés comme cinq. Les mères de famille auraient quand même dû y penser !

La semaine de 32 heures, un mix réformiste

Est-ce que la semaine de 4 jours est forcément une modalité de réduction du temps de travail ? Pour ceux qui la conçoivent comme une semaine de 28 heures travaillées, oui. Ou disons 32 heures pour commencer, tel que le promeut de longue date la CFDT, qui voit plutôt les choses en quatre jours et demi.

Mais en jouant sur l’organisation du travail, on peut caser 4 jours et demi en 4 : on fera des journées de 8 heures au lieu de 7. Voilà donc une semaine de 4 jours qui mixe réduction du temps de travail hebdomadaire et augmentation des durées du travail quotidien.

Mais il y a des positions plus extrêmes qui tirent les unes vers les « 4 jours mais des jours pleins à craquer » et les autres vers le « et pourquoi pas 3 jours, voire 2, voire moins ? ».

35h et + en 4 jours : attention aux effets sur la santé !

Pour les tenants du « travailler autant – voire plus – mais  pas tout le temps », la semaine de 4 jours, c’est l’art de se ménager des week-ends prolongés bien mérités après avoir bossé comme des furies le reste de la semaine.

Que l’on se comprenne bien sur ce que faire de grosses journées signifie quand on parle de semaine de 4 jours sans réduction du temps de travail : pour un salarié aux 35 heures, prévoir des journées de 8h45 ; pour un contrat de 39 heures, on grimpe à 9h45 ; pour des cadres au forfait maximum 48 heures/semaine, les journées taffées sont extensibles jusqu’à 12h. Ne riez pas : il se gazouillait récemment, en plein débat sur les retraites, que selon certains responsables politiques « les jeunes peuvent bien travailler 45 heures par semaine » !

Est-il bien nécessaire de préciser que, jeune ou moins jeune, travailler avec une telle intensité n’est pas bon pour la santé ? Sachez qu’au-delà de 7 heures de travail par jour, la qualité du sommeil et le fonctionnement du métabolisme sont affectés. Au-delà de 8 heures, les risques de maladies liées au stress bondissent de 40% ; au-delà de 10 heures, le risque d’AVC augmente de 33%.

Et pourquoi pas des semaines de 16 heures ou moins ?

Selon une étude réalisée par l’Employment Dosage Project de l’Université de Cambridge, il faudrait ne pas travailler plus de 2 heures par jours (8 heures hebdomadaires en version semaine de 4 jours) si l’on veut préserver sa santé physique et mentale.

En lisant cela, c’est votre boss qui vient de faire une attaque. Vous pouvez tenter de le ranimer en argumentant sur la productivité. En effet, en sus d’être plus mauvais pour la santé qu’une alimentation grasse et sucrée, le surtravail quotidien n’est pas la panacée côté productivité. Alex Soojung Kim Pang, chercheur en sociologie invité à Stanford et directeur des programmes du think-tank 4dayweek, compile dans son ouvrage Rest : why do you get more when you work less un ensemble de résultats d’études sur le temps de travail rapporté à son efficacité. Il en ressort qu’au-delà de 4 heures par jour, la productivité du travail baisse tandis que les risques de faire des erreurs augmentent. Et puis, l’irritabilité et la conflictualité (nuisibles à la coopération, s’il faut le rappeler) grimpent en flèche.

Conclusion provisoire : si on vous demande de répondre à un sondage sur la semaine de quatre jours, n’hésitez pas à demander de laquelle on parle avant de vous prononcer !

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Demain, dans notre série « 4 jours pour questionner la semaine de 4 jours » : Une mauvaise réponse à de bonnes questions ?

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