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Le Fika : les bienfaits
de la pause-café suédoise au travail

À l’heure où le numérique et la quête de productivité peuvent parfois déshumaniser les relations professionnelles, une coutume suédoise, simple en apparence, pourrait être un puissant levier de bien-être et de performance collective. Zoom sur le “Fika”, ou l’art de faire du lien une priorité.  

Quand la pause augmente la productivité  

Dans les entreprises suédoises, deux fois par jour (généralement autour de 10 heures et de 15 heures), les ordinateurs et téléphones se mettent en veille. Ce n’est pas une panne, mais un rituel très ancré dans le pays : le “Fika” (verlan de “kaffe”, qui veut dire “café” en suédois). Plus qu’une simple pause-café, c’est un moment de convivialité institutionnalisé où l’on se retrouve autour d’une boisson chaude et d’une pâtisserie. Peu importe le niveau hiérarchique, tout le monde y participe. L’objectif n’est pas de « réseauter » ou de parler travail, mais justement de déconnecter.  

Rares sont les cultures qui pratiquent cette pause quotidienne avec autant de régularité que les Suédois. Ce rituel est l’incarnation d’une philosophie du travail radicalement différente : réserver un espace pour que les tensions s’apaisent et que la confiance se tisse de manière informelle. Un besoin pour les travailleurs d’intégrer des respirations collectives comme une partie intégrante du flux de travail.  

L’utilité du rituel… mais pas que   

Par ailleurs, cette pratique a un impact direct sur le management. En créant un espace de dialogue horizontal, le “Fika” contribue à réduire les barrières hiérarchiques. Il encourage une culture où chaque membre de l’équipe se sent écouté et valorisé, non seulement pour ses compétences professionnelles, mais aussi pour qui il est. Un outil managérial subtil qui renforce l’engagement, et autour duquel confiance, créativité et cohésion peuvent ainsi mieux se développer.  

Toutefois, il serait réducteur de n’y voir qu’un moyen intéressé d’améliorer la productivité. La force de ce rituel réside dans le fait qu’il ne peut aussi être qu’une parenthèse déconnectée des objectifs économiques. Et c’est précisément là que se joue le développement durable du travail. Pour qu’une activité professionnelle soit soutenable sur le long terme, elle doit intégrer cet « à-côté » qui nourrit le lien social.  

Et en France ?  

En France, cette vision peine encore à s’imposer. Trop d’entreprises considèrent ces temps informels comme une perte de temps, une distraction au sens négatif du terme. Il y a un véritable enjeu à faire évoluer cette perception, pour que les salariés se sentent pleinement autorisés à décompresser et à créer du lien, sans culpabiliser.  

Car, comme le soulignait déjà la psychologue Marie Jahoda, le travail ne remplit pas seulement une fonction économique. Le “Fika” offre une réponse opérationnelle à ce « réseau social » fondamental qu’elle décrivait comme l’une des 5 fonctions latentes du travail. Ces moments, loin d’être futiles, sont en réalité des piliers d’un environnement de travail sain et durable.  

Thibaut Deville 

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