Aujourd’hui, s’il est facile pour beaucoup de citer trois entrepreneurs américains célèbres, rares sont ceux capables d’en faire autant avec des fondateurs d’entreprises asiatiques, et encore moins japonaises. Pourtant, le Japon est la quatrième puissance économique mondiale. Pourquoi existe-t-il une hagiographie autour de figures comme Mark Zuckerberg, mais pas de Yamauchi Fusajirō, le fondateur de Nintendo ? Et que peut nous apprendre le Japon sur les mythes liés à l’entrepreneuriat et ses spécificités ?
Pour comprendre les contrastes culturels qui opposent un entrepreneur occidental d’un entrepreneur nippon, intéressons-nous aux valeurs associées à l’entrepreneuriat. À commencer par la maturité. En Occident, nous avons tendance à valoriser la jeunesse, synonyme de renouveau, au détriment de la séniorité. Et nombreuses sont les structures comme les incubateurs qui offrent aujourd’hui un soutien considérable aux jeunes diplômés. En France, 78 % des écoles de commerce en étaient dotées en 2018, selon la Conférence des Grandes Écoles. Au Japon, en revanche, le pays est marqué par une hiérarchie sociale où l’âge, symbole d’autorité, prévaut. Rien d’étonnant alors à ce qu’un tiers des nouveaux entrepreneurs japonais aient plus de 60 ans en 2018.
Mais ce n’est pas tout. Au-delà de la considération accordée à l’âge, la place de l’individu par rapport au groupe va jouer un rôle déterminant dans l’imaginaire collectif de l’entrepreneuriat. Au Japon, le collectif prime sur l’individualisme car rien n’est plus important que le travail d’équipe. Il paraît alors difficile d’imaginer le mythe de l’entrepreneur du garage parti de rien et ayant tout bâti sans personne, grâce à ses seules capacités. D’après la professeure de l’université de Tokyo, Sarah Louisa Birchley, les hommes d’affaires japonais vont donc souvent privilégier l’ascension au sein d’entreprises établies plutôt que la création de leur propre structure.
Ces mythes, qu’ils glorifient l’autonomie ou l’humilité selon l’océan qui les sépare, ne sont pas de simples récits et leur impact sur les sociétés n’est pas anecdotique. Au contraire, ils façonnent les comportements individuels et attestent des valeurs d’une société. À nous de les comprendre pour saisir les influences qui rythment nos vies et orientent nos actions !
Gabrielle Pastel