Entre un enneigement de plus en plus incertain dû à des redoux qui se multiplient, une fonte des glaciers et la raréfaction des ressources en eau, les territoires de montagne font face à des conséquences environnementales alarmantes. Selon le CREA Mont-Blanc, les températures moyennes dans les Alpes ont augmenté d’environ 2°C entre 1864 et 2020, soit deux fois plus que le réchauffement mesuré à l’échelle mondiale. Et ces transformations ne se limitent pas à l’aspect environnemental : elles impactent également l’économie locale, notamment celle des stations de ski.
Dans ce contexte, pour préserver l’attractivité et la viabilité de ces régions, il devient essentiel de repenser leur modèle économique. Mais comment réinventer un secteur historiquement fondé sur une ressource en déclin ? Et comment éviter la (re)désertification de certaines zones de montagne ? Coup de projecteur sur une piste innovante.
C’est à 2 000 mètres d’altitude, au cœur des Alpes italiennes, près de la frontière suisse que le petit village de Montespluga a relevé un défi unique : devenir la première station de ski en Europe à se passer complètement de remontées mécaniques ! Ce vaste paradis blanc de 3 600 hectares s’inscrit ainsi dans une démarche de réduction d’empreinte énergétique pour repenser le tourisme de montagne vers un mode plus lent. Moins “consommateur” de la nature. Lancé en janvier 2023, le projet Homeland propose 11 itinéraires balisés adaptés au ski de randonnée. Ses fondateurs, Tomaso Luzzuna et Paolo Picchielo, présentent la station comme « un véritable laboratoire, un banc d’essai pour réinventer le ski et l’adapter aux changements climatiques à venir ». Et pour profiter des merveilles alpines tout en s’essayant à cette expérience, la station propose un kit complet : skis de randonnées mais aussi de sacs à dos équipé de récepteurs anti-avalanche, sacs de couchage quatre saisons et pelles. De quoi rassurer les aventuriers prêts à affronter les montagnes enneigées.
Une initiative écologique forte
Cette approche s’impose également comme une alternative concrète à l’usage de la neige artificielle, une solution largement critiquée pour son impact environnemental. Selon la Commission Internationale pour la Protection des Alpes, près d’un million de litres d’eau sont nécessaires pour un hectare de piste. Cette quantité colossale représente l’équivalent de 4 000 baignoires pleines. Toutefois, les gains écologiques de cette initiative pourraient être atténués voire annulés si des solutions de mobilité douce ne sont pas mises en place pour faciliter l’accès à la station. Notons que l’empreinte carbone de n’importe quel séjour en montagne est avant tout impactée par le mode de transport choisi pour se rendre sur le domaine.
D’autres stations prennent également conscience de la nécessité d’adapter leur modèle à long terme. En France, la station de Métabief, dans le Jura, fait figure de précurseur. Consciente que les remontées mécaniques seront de moins en moins rentables à mesure que la neige naturelle se fera rare, elle a fait le choix, dès 2015, d’investir dans l’amélioration de ses infrastructures existantes plutôt que d’en construire de nouvelles.
Autant de pistes de réflexions pour renforcer l’agilité des territoires montagnards face au changement climatique. Plutôt qu’un renoncement, elles donnent ainsi à voir une opportunité à la réinvention collective des territoires. Toutefois, une chose est sûre : pour renforcer l’autonomie de ces territoires sur le long terme, il faudra aussi passer par la diversification des activités économiques et touristiques… À méditer.
Gabrielle Pastel