Avec un dépassement du seuil fatidique des 1,5°C de réchauffement en 2024, nombreux sont les travailleurs touchés dans leur quotidien par les conséquences qui découlent de la hausse des températures sur le globe. Parmi les nombreux exemples que Mikaël Lefroiçois met en lumière dans son remarquable documentaire : « Trop chaud pour travailler », le cas des travailleurs de Chichigalpa, est certainement le plus marquant de tous.
Zoom sur l’épidémie des travailleurs de Chichigalpa
Dans ces plaines brûlantes du Nicaragua, des milliers de coupeurs de canne sont atteints d’une insuffisance rénale chronique : une maladie professionnelle silencieuse désormais soupçonnée d’être la première épidémie liée au changement climatique.
Au cours des dernières décennies, dans ce petit village de Chichigalpa, surnommée « l’île aux veuves », un homme sur deux est mort des suites de cette maladie. En cause : un travail physique intense, en plein soleil, sans repos, sans hydratation suffisante, et sous pression permanente. Le tout dans une région où les températures humides atteignent des niveaux critiques.
Pendant longtemps, les causes de l’épidémie ont été attribuées à tort aux pesticides ou à la qualité de l’eau. Mais les études menées par l’ONG La Isla Network ont permis d’identifier le principal coupable : le stress thermique extrême causé par le travail sous une chaleur intense, couplé à l’absence de protection et de pauses adaptées.
Une réponse simple mais révolutionnaire
Face à ce problème majeur de santé publique, l’ONG a lancé un programme de prévention en collaboration avec l’entreprise sucrière San Antonio centré sur trois mesures simples :
- Des pauses régulières (jusqu’à 20 min/h)
- Un accès à l’eau potable illimité
- Des zones d’ombre aménagées
Ainsi les pauses sont obligatoires, chronométrées, et encadrées le plus strictement par un manager. La journée de travail s’arrête à midi, évitant ainsi les pics de chaleur les plus dangereux. Ce modèle a permis de réduire presque à zéro les cas d’insuffisance rénale aiguë sur les chantiers pilotes. Depuis les résultats sont spectaculaires : lors de la première étude, 10 % des travailleurs finissaient à l’hôpital à chaque récolte. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé sous la barre des 1 %. Une démonstration éclatante qu’un encadrement simple et humain du travail peut sauver des vies.
La grande force de cette initiative est qu’elle repose sur des principes applicables partout : repos, eau, ombre. Ce ne sont pas des solutions technologiques, mais des droits fondamentaux à intégrer dans toutes les législations du travail, face au réchauffement climatique. Car partout où l’on travaille sous un soleil brûlant, le stress thermique devient une nouvelle menace invisible. Et l’épidémie observée au Nicaragua pourrait n’être que le début d’un phénomène mondial.
Romain Braquet