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Pourquoi est-ce si difficile de se reposer ?

Une question d’actualité posée à notre philosophe… Pour faire un pas de côté.

Retraites, thalassos, soins en tout genre… Le marché du repos n’a jamais été plus performant qu’aujourd’hui. Pourtant, les signaux faibles liés à la fatigue psychologique sont eux aussi en hausse.

Alors pourquoi notre époque n’arrive-t-elle pas à se reposer ? Décryptage tout en philosophie avec Sophie Berlioz.

Comment le repos est-il perçu aujourd’hui ? 

Il n’est pas inutile de faire un détour par l’Antiquité romaine pour illustrer notre perception actuelle du repos et de l’activité. Les romains distinguaient en effet deux notions du repos : quies, le repos physique, synonyme d’absence d’activité et l’otium, le loisir utile, le repos profitable qui permet de s’élever intellectuellement, de se consacrer à la réflexion, à la méditation età la culture. L’otium s’oppose au neg-otium, qui donnera négos dans notre français moderne, l’espace des affaires, de la négociation et de l’activité économique. Aujourd’hui notre société est faite de telle manière que nous alternons ces périodes, en passant succinctement de l’activité au repos. Et pourtant, ni le repos physique ni le loisir utile ne semblent trouver sa place dans cette organisation.

Pourquoi est-ce si difficile de se reposer ? 

S. B : Il va sans dire que nos sociétés valorisent davantage l’activité économique, l’efficacité, avec son lot de mouvements, d’activités frénétiques et constantes, de vitesse. Et même pendant les vacances, il n’est pas rare que les journées se mettent à déborder, que l’on file de site en site, d’activités en activités. Parfois pour visiter, souvent pour prendre en photos un maximum de moments, immortaliser la scène en restant en surface de l’histoire. On s’occupe, on remplit sa check-list, souvent machinalement, soucieux de rentabiliser le temps, d’en faire un maximum, et de donner envie aux autres sur Instagram. Le negotium grignote l’otium, et lui transmet ses exigences : rentabilité, efficacité et activité. 

Mais ce n’est pas tout. Cette difficulté à se consacrer à l’otium, ce repos qui élève, est d’autant plus difficile que nous sommes constamment sollicités par un flux continu d’informations, parles réseaux sociaux, ou encore sur le plan professionnel où il est parfois mal perçu de ne pas répondre à ses messages en vacances. Les frontières se brouillent et nous empêchent souvent de nous concentrer sur l’essentiel. C’est la photo du tableau avant le tableau, l’instagram du plat plutôt que sa dégustation, la photo panoramique plutôt que l’admiration d’un beau paysage. 

Alors comment réussir à couper malgré tout ? 

S. B : Soyons d’abord indulgents. Il n’est pas impossible que cette frénésie d’activités soit à rapprocher du divertissement de Pascal, celui qui nous pousse à multiplier les occupations afin de nous faire oublier la vacuité, l’anxiété et les frustrations de nos existences. C’est ce à quoi nous invitait à réfléchir Pascal lorsqu’il écrivait que « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Alors il ne s’agit pas de porter un jugement moral sur ce qu’il est bon de faire en vacances ou de ce pour quoi nous le faisons. Mais juste de veiller à ne pas s’épuiser à multiplier les activités sans avoir réfléchi à son besoin véritable, à ce qui nous fait du bien. Car le repos, c’est aussi ce qui permet de toucher son ataraxie, concept cher aux Stoïciens et Épicuriens, qui désigne la tranquillité de l’âme.

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