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Entreprise : comment concilier performance et environnement ?

Une question d’actualité posée à notre philosophe… Pour faire un pas de côté.

Dans le modèle économique actuel où les entreprises sont structurées pour piloter leur activité en fonction de critères de chiffre d’affaires et de coût, l’enjeu environnemental est encore difficilement conciliable avec la performance économique et financière.

Mais que comprendre de cette scission ? Et comment parvenir à la dépasser ? Décryptage tout en philosophie avec Sophie Berlioz. 

Pourquoi l’intégration de la nouvelle donne environnementale est-elle si compliquée à mettre en oeuvre dans les entreprises ?

L’intégration des critères environnementaux est complexe car elle nécessite une transformation globale de l’organisation de l’entreprise et de son modèle de productivité qui implique le passage d’un système « coût/rentabilité » à un système intégrant la 3ème dimension de «durabilité ». Cette exigence doit se traduire par la prise en compte de ce que les spécialistes appellent la double matérialité, c’est-à-dire d’une part l’impact des dimensions environnementales sur l’activité et les résultats de l’entreprise.Et d’autre part l’impact de l’activité et du modèle d’affaires de l’entreprise sur son environnement et ses parties prenantes. Cette troisième dimension est très proche de la théorie de l’entreprise développée par Freeman : de son interdépendance et de sa responsabilité vis-à-vis de ses parties prenantes. 

Il s’agit donc d’un changement de paradigme qui implique une transformation profonde des composantes de l’entreprise : stratégie, modèle d’affaire, organisation mais également modes de production et métiers. Un changement de paradigme d’autant plus difficile à enclencher à une époque où productivisme, accélération et rentabilité court-terme restent fondamentaux dans les schémas de gouvernance.

Voit-on émerger des actions pour faire intégrer la prise en compte de l’environnement par les entreprises aujourd’hui ?

S. B : En effet, à commencer par les enjeux réglementaires, qui ne sont pas étrangers à cette exigence de transformation profonde. Je pense notamment à la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui vient d’être adoptée au niveau européen et a défini un certain nombre d’exigences en matière d’information extra-financière afin d’éclairer les partenaires de l’entreprise, les épargnants, les investisseurs… Mais également les salariés sur l’impact de leur entreprise sur son environnement. Dans la même perspective, il y a également la directive européenne sur le devoir de vigilance qui impose désormais aux entreprises d’identifier et de prévenir, avec leurs partenaires sociaux, les éventuelles atteintes à l’environnement et aux droits humains sur leur chaîne de valeurs. À l’échelle du monde du travail, ce sont de véritables révolutions.

La philosophie peut-elle nous aider à réfléchir et agir en ce sens ?

S. B : Les inflexions actuelles autour du devoir de vigilance vis-à-vis de leursparties prenantes et des enjeux de durabilité constituent une prise de conscience du législateur de la nécessité de prendre au sérieux la responsabilité sociale et sociétale des entreprises, dans une visée de préservation des générations futures. 

C’est ce que Hans Jonas appelait de ses voeux dans son éthique de responsabilité et son impératif catégorique : « agis de telle sorte que ton action soit compatible avec la permanence d’une vie authentiquement humaine ». Cet impératif, aujourd’hui pris au sérieux par le législateur, s’impose désormais aux entreprises. Pour autant, son application devra être couplée à une réflexion plus collective sur les effets des schémas stratégiques et organisationnels sur l’environnement social et économique.Avec une véritable méthodologie tournée vers l’intelligence collective de manière à intégrer toutes les strates de la société. Alors réfléchissons tous ensemble aux effets de la sur croissance avec toute la créativité qui nous est insufflée par Illich dans son traité, « La Convivialité » !

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