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L’œil de l’expert·e : L’appel des 160 pour un congé 2e parent

PARENTALITÉ – 160 personnalités du monde universitaire, associatif, artistique et médiatique viennent de publier ce dimanche 23 septembre une tribune dans le Parisien en faveur d’un « congé obligatoire pour le 2e parent ». Décryptage par notre experte Marie Donzel.

Quelle est ta lecture de ce fait d’actualité ?

Cette tribune est une réaction à la récente annonce du report de la réforme du congé paternité. En l’état actuel du droit, le congé paternité est d’une durée de 11 jours calendaires, non fractionnable et réservé au « père légal » (quoique la jurisprudence montre que quelques femmes en couple homosexuel ont pu l’obtenir).

Aujourd’hui, 70% des pères prennent ce congé de 11 jours, mais une étude de l’INSEE montre qu’ensuite, seul un homme sur neuf réduit son temps de travail quand il devient père. En face, plus d’une mère sur deux s’est arrêtée de travailler ou a réduit son temps de travail après la naissance d’un enfant. Le « plafond de mère », c’est-à-dire la part du plafond de verre imputable aux écarts de responsabilités parentales dans les couples, se construit en partie dans les premiers temps suivant l’arrivée d’un enfant.

Quelles problématiques cela soulève-t-il ?

Il y a un double enjeu d’égalité et d’inclusion dans le propos de la tribune parue dans le Parisien :

  • Un enjeu d’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit de lutter contre une des causes du plafond de verre qui pénalise la carrière des femmes, mais aussi de répondre au désir croissant des hommes de s’investir de la parentalité et de pouvoir eux aussi, mieux concilier les temps de vie en se libérant notamment de la culture présentéiste.
  • Un enjeu d’égalité entre les modes de parentalité. La tribune parle de « deuxième parent » et non de « père légal » : il s’agit bien de faire valoir les droits de l’homoparentalité. Il est fondamental que la loi réponde à cette attente car aujourd’hui, les individus en situation d’homoparentalité doivent soit se bagarrer avec la justice (comme l’ont fait les femmes qui sont allées devant les tribunaux pour obtenir le congé paternité) et se défendre au prix d’une distorsion de leur identité face à la société (quand une femme doit se désigner comme « père » pour seulement faire exécuter le principe d’égalité des citoyen·ne·s devant la loi).

En quoi cela interpelle le monde de l’entreprise ?

La plupart des grandes entreprises ont des politiques de parentalité, qui ont souvent précédé la loi. Toutefois, la plupart de ces politiques sont hétéronormées, ancrant d’une part la reconnaissance primaire, sinon exclusive, du couple hétérosexuel et d’autre part le présupposé que la parentalité est avant tout une affaire de femmes, avec des mesures s’adressant principalement aux mères. Les mutations sociales et culturelles des dernières décennies exigent que l’on réforme ces politiques. Ce qui est déjà à l’œuvre dans plusieurs entreprises qui ont ouvert les droits des mères aux pères, les droits des parents hétérosexuels aux parents LGBT

Mais rien n’empêche aujourd’hui le monde de l’entreprise d’interpeler à son tour le gouvernement et le législateur sur cette question de l’égalité face aux droits de la parentalité. D’autant que cela aurait son poids : le principal argument qui sous-tend le report de la réforme du congé paternité (comme l’opposition de la France à la proposition de réforme européenne du congé parental en mai dernier) est d’ordre budgétaire. Oui, créer un vrai « congé deuxième parent » correctement indemnisé a un coût. En manifestant officiellement qu’elles sont favorables au principe, les entreprises enverraient le signal fort qu’elles sont prêtes à ouvrir le dialogue sur le partage de cette « charge », en portant une vision de la croissance associant étroitement performance économique et performance sociale.

Marie Donzel

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