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Procrastinateurs : vous n’êtes pas paresseux

La procrastination, c’est le choix de remettre au lendemain des actions que l’on s’était fixé de réaliser aujourd’hui. Et chacun a à l’esprit son lot d’exemples de la vie quotidienne. Les fameuses résolutions du 1er janvier suspendues à la première tentation. Le report du régime à plus tard : « j’ai décidé de me mettre au régime jusqu’à ce que l’idée d’un éclair au café ne me fasse revoir ma décision ». L’arrêt de la cigarette : « j’arrête de fumer mais quand même je m’en fumerai bien une petite dernière ». Ou encore le dossier super important que l’on traite à la dernière minute à coup de report jusqu’à ce que la pression du temps nous pousse à le réaliser. 

Mais alors d’où nous vient cette tendance à toujours reporter ? En cette journée internationale de la procrastination, Sophie Berlioz, philosophe et experte Alternego, fait le tour de la question.

Procrastiner est-il une histoire de paresse ?

La procrastination est avant tout un trait caractéristique de la nature humaine, une tendance éprouvée avec plus ou moins d’intensité chez les individus. Alors, est-ce qu’on procrastine par flemme ? Ça peut être une cause parmi d’autres mais je ne crois pas qu’il s’agisse de la raison principale qui nous pousse à remettre l’action à plus tard. Ça peut être par paresse, mais aussi et surtout par désir irrésistible. Si l’on fume cette nouvelle cigarette alors qu’on s’était promis d’arrêter, c’est parce que l’envie nous pousse à le faire. Par ailleurs la procrastination peut aussi renvoyer à notre rapport au temps, à un besoin d’être sous pression pour accomplir une tâche importante ou qui nous fait peur, à la finitude. Les causes sont souvent profondes et plus complexes qu’elles n’y paraissent.

Comment la philosophie perçoit-elle la procrastination ?

Du point de vue de la philosophie, procrastiner une occurrence du concept antique d’acrasie, qui signifie littéralement faiblesse de la volonté. Autrement dit c’est le fait d’agir à l’encontre de son meilleur jugement. On peut résumer l’acrasie par cette célèbre formule d’Ovide « Je vois le bien, je l’approuve. Je fais le mal ». Cette propension humaine à agir à l’encontre de ce que notre raison nous dit de faire est traité comme une énigme de la nature humaine par Platon, Aristote, ou encore des philosophes plus contemporains comme Davidson, J. Elster.

Les travaux philosophiques sur la faiblesse de la volonté cherchent alors à comprendre l’inconsistance de certains de nos meilleurs jugements. Que dire de ces situations où la volonté cède à la passion, la pulsion, ou au désir ? Cela signifie-t-il que l’être humain est irrationnel ? Pourquoi nos intentions nous poussent-elles à agir contre notre raison, en connaissance de cause ? Par exemple, les travaux sur l’acrasie cherchent à comprendre comment il est possible de continuer à fumer alors même que j’ai connaissance de tous les méfaits du tabac. Qu’est-ce que ces décisions nous disent du rapport entre la raison et les passions ? Et que nous disent-elles plus largement de la nature humaine, de son rapport à la raison et à la déraison ?

Quels conseils peut-on donner aux procrastinateurs au travail ?

Si l’on considère que la faiblesse de la volonté est un déterminant de la nature humaine et que cette conscience est partagée, tout l’enjeu devient alors d’identifier les pares-feux efficaces pour prévenir ou réguler ces failles. Ces pares-feux, au sein d’une équipe ou d’une entreprise, peuvent être des règles incitatives ou des pratiques de régulation. Alors pour prévenir la procrastination à l’échelle d’un collectif, on peut mettre en place des points d’avancement réguliers sur un projet, planifier un calendrier réaliste pour se fixer des échéances… Il s’agit ni plus ni moins d’identifier les outils ou les astuces qui nous renvoient à notre raison. L’objectif ? Éveiller notre rationalité pour mieux dompter nos passions ou inclinations à reporter à plus tard. 

Sophie Berlioz, avec la précieuse relecture d’Elise Assibat

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