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Dialogue social :
une « gilet jaunisation » des relations sociales ? 

Une question d’actualité posée à notre philosophe… Pour faire un pas de côté.

Alors que le dialogue social se retrouve fragilisé et peine à s’imposer dans nos organisations, des collectifs de salariés commencent à se former en marge des représentants du personnel. Une réalité, dans un contexte post-gilet jaune, qui s’est révélée avec une nouvelle acuité pour les entreprises à la suite de la grève inédite des contrôleurs de la SNCF en 2022 organisée surFacebook à côté des Organisations Syndicales, pourtant très présentes à la SNCF. 

Alors que raconte ce phénomène de l’état actuel du dialogue social et de ses enjeux ? Et que pense notre philosophe de cette perception sociétale ? Décryptage avec Sophie Berlioz, manager senior. 

Pourquoi parle-t-on aujourd’hui de « gilet jaunisation » des relations sociales ? 

Sophie Berlioz : Le phénomène de contestation des gilets jaunes a marqué un nouveau genre de contestation sociale. Il s’agissait d’abord d’un mouvement spontané né d’une émotion partagée de colère vis-à-vis des élites (institutions et représentants), mais sans réelle revendication partagée. De plus, il s’est organisé par réticularité sur les réseaux sociaux, à distance donc, des codes du dialogue social à la française. 

C’est cette triple dimension que recouvre le terme de « gilet jaunisation » pour qualifier le risquede relations sociales d’un nouveau genre, caractérisée par l’atomisation de la revendication sociale, la négligence des corps intermédiaires et enfin la méconnaissance des règles des processus sociaux (préavis, adresse aux préfets, services d’ordre…). 

Comment expliquer l’apparition de ces collectifs de salariés auto-organisés hors des syndicats ?

S. B : Ce phénomène, encore marginal, constitue le symptôme d’un dysfonctionnement de nos instances de régulation sociale. Les corps intermédiaires existent peu ou mal dans la société, et les entreprises en sont le reflet. Les réformes ou décisions stratégiques sont imposées et présentées comme logiques et rationnelles, et leurs modalités de mises en oeuvre peu ou pas concertées, ce qui laisse peu d’espace pour les négociations et donc de grains à moudre pour les syndicats. 

Or sans perspective de progrès social émanant des corps intermédiaires, l’inclination naturelledes salariés pourrait être de se tourner sans médiation vers leurs corps de métier. En exigeant,comme dans le cas de la grève des contrôleurs de la SNCF, un dialogue direct avec ceux quiportent la responsabilité de la décision. 

Quels sont les conséquences de cette émergence pour ledialogue social ?

S. B : Les conséquences ne sont pas encore perceptibles. Il s’agit à ce stade de risques plutôt que de faits. Mais ils sont importants. Risque d’application des décisions de manière unilatérale sans concertation sur les modalités d’évolution du travail et de ses conditions… Sans compter les risques de violence sociale non maîtrisable, ou encore de disparition de la possibilité même d’un dialogue social. 

Pourtant, l’idée même de ce dernier est fondée sur la conviction, qu’au sein d’une société ou d’une organisation, le pouvoir, bien que légitime, ne peut pas s’exercer de manière isolée.

Comme le soulignait Montesquieu à propos des corps intermédiaires, dans l’Esprit des lois, le dialogue social constitue un contre-pouvoir nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie sociale, une garantie de cohésion sociale et de liberté répondant aux risques d’un pouvoir unique (nécessairement partial). Alors prenons-en soin.

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