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Congé santé mentale : le symptôme d’une fatigue ambiante 

Une question d’actualité posée à notre philosophe… Pour faire un pas de côté.

« Le congé santé mentale » voit le jour dans de plus en plus d’entreprises américaines. Les employés concernés ont donc désormais la possibilité d’obtenir des journées de repos supplémentaires pour préserver leur équilibre psychique. Alors que pense notre philosophe de cette initiative ? Décryptage avec Sophie Berlioz, manager senior.

Face à l’émergence d’un « congé santé mentale » aux États-Unis,peut-on s’attendre à voir le même projet arriver en France ? 

Sophie Berlioz : Attention aux faux semblants d’une analogie hâtive avec le modèle outre Atlantique ! Socialement très pauvre en matière de prévention et de protection des salariés par rapport à la France, les Américains partent de loin. Congés obligatoires minimaux, insécurité liée à l’emploi beaucoup plus importante, protections sociales en cas de maladie quasi-inexistantes… Bref, la santé au travail là-bas en est à ses balbutiements contrairement à sa prise au sérieux en France. Mais l’apparition de ce congé, précisément dans des entreprises américaines, est intéressante car elle dit quelque chose de l’ordre de la prise de conscience des coûts humains, sociaux et aussi économiques des pathologies liées aux nouvelles formes et organisations du travail. 

Que révèle cette décision du rapport au travail plus largement ? 

S. B : L’émergence de nouvelles formes d’usures mentales au travail est globale. Les conditions et modalités de travail ont profondément changé en très peu de temps : une trentaine d’années ce qui n’est rien à l’échelle de l’histoire sociale. Or ces changements organisationnels génèrent beaucoup d’impacts sur les individus : intensification des rythmes de travail, hyper-connexion, flexibilité mentale… Autant d’emprises cognitives qui découlent encore de ces nouvelles formes de travail.

Cette décision nous montre que la prévention en matière de santé mentale devient cruciale. Cequi rend la chose complexe, c’est que la cause de ces symptômes est structurelle. Autrementdit, je ne suis pas sure qu’un ou deux jours de congés annuels supplémentaires puissentprévenir l’épuisement professionnel. 

Quel conseil peut-on puiser dans la philosophie pour prendre soin de notre santé mentale ? 

S. B : L’objet de la philosophie est de penser les structures profondes de la réalité, ce n’est pas en tant que tel de nous aider à aller mieux. Pour autant la philosophie antique nous livre certains repères pour nous guider dans l’existence. À commencer par Marc Aurèle qui nous recommande, si je puis dire, de « choisir nos combats » pour ne pas s’épuiser inutilement :d’accepter les difficultés ou souffrances sur lesquelles on ne peut pas agir, et d’avoir le courage d’agir sur celles sur lesquelles on a un pouvoir. Je pense aussi à Epicure dans sa recherche du bonheur. Pour lui, être en bonne santé mentale passe par la recherche de plaisirs naturels et nécessaires : se nourrir, bien dormir… et donc de veiller à son équilibre physique et psychique. Enfin Aristote, mon préféré, pour lequel être bien, c’est être aligné avec ses propres valeurs, apprendre à s’écouter, à connaître ses besoins et ses limites et les respecter. La voilà la sagesse ultime pour se préserver. 

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