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5 classiques pour nourrir sa culture de l’innovation

Ô toi, ami passionné par l’innovation, branché en continu sur le fil des actus qui parlent de nouvelles technologies, de disruption, de transformations des modèles sociaux, d’intelligence artificielle etc… ; nous venons aujourd’hui avec un concept qui pourra te paraître dépassé, voire franchement rétrograde — à moins que tu y voies une fantaisie vintage  : les vacances. 

On ne te refera pas l’historique de cette innovation sociale majeure à l’origine d’une révolution anthropologique, embarquant moult avancées technologiques. Non, on va te parler de tes vacances à toi. Et te proposer non pas de décrocher complètement —car on te devine atteint de FOMO — mais de faire un petit pas de côté et un voyage du côté de l’éternel : nous avons nommé la littérature. 

Voici donc 5 conseils de lecture pour nourrir ta culture de l’innovation sans bouger un pied de ton transat ni toucher à ton smartphone.

Zadig, de Voltaire : la sérendipité, tu oseras !

La sérendipité, c’est une posture de curiosité et d’acceptation qui fait place au hasard, à l’erreur et aux aléas. Partant du principe qu’on a plus de chances de trouver ce qu’on ne cherche pas, la sérendipité est réputée à l’origine de nombreuses innovations. Entre autres, la pénicilline, le Viagra© (oui, bon, c’est un article pour les vacances, on a dit), la vaseline (ok, ok…), la gomme à effacer ou le Carambar©. 

Les âmes d’Académiciens sont cependant chagrinées par le mot-même de sérendipité. Car c’est un anglicisme ! En bon français, on lui préfère donc  zadigacité, un terme construit à partir du célèbre personnage de Voltaire (qui n’est pas une marque de pullover).

(Re)lire Zadig ou la destinée, c’est s’offrir un temps d’inspiration pour l’innovation. En suivant ce personnage dans ses pérégrinations, on rend sa place à l’intuition et à l’art de transformer des circonstances hasardeuses (voire malheureuses) en conséquences heureuses.

Les centaures, de Lichtenberger : l’hybridation, tu chériras !

On doit à la mythologie grecque une espèce de créatures mi-humaines mi-animales : les centaures. Le plus célèbre d’entre eux , c’est Chiron, sage précepteur auprès duquel les plus grands héros, dont Achille et Jason, apprennent leur boulot. Mais il y a aussi Pholos, Crotos ou Thérée.  Autant de  créatures, hybrides par nature, qui incarnent la tension permanente entre les risques de la surpuissance et les opportunités de la super performance.

Le roman d’André Lichtenberger, Les centaures, paru en 1904 et considéré aujourd’hui comme le premier ouvrage du genre « fantasy » met en scène cette fameuse tension entre la puissance des forces conjuguées et  la vulnérabilité des failles héritées. Ce qui sauve chaque fois les centaures, c’est l’ingéniosité : ils ne se comportent ni en hommes ni en bêtes, mais inventent de tierces façons d’être au monde et d’agir pour eux-mêmes, comme sur leur environnement.

Si vous préférez aborder la thématique de l’hybridation avec un essai, jetez-vous sur Tous centaures, de la philosophe Gabrielle Halpern. Célébrez la diversité et la transversalité et vous ne verrez plus jamais la vie en silos !

Clélie, de Madeleine de Scudéry : les rebondissements, tu salueras !

La Scudéry, vous la connaissez, peut-être sans le savoir : c’est elle qui inspira à Molière le thème des « femmes savantes » et autres « précieuses ridicules ». Mais derrière cet hommage ironique (et admettons-le un peu misogyne) à la femme qui se cultive et qui écrit, il y a une œuvre foisonnante… Dont on retient notamment Clélie, une histoire romaine.

Pour la faire courte, c’est une intrigue amoureuse à rebondissements multiples, qui embrasse des intrigues politiques et donne lieu à une succession d’aventures au pas de charge. L’entrelacement des intrigues est si dense que Scudéry finit par dessiner une « carte de Tendre » pour aider le lecteur à se repérer dans les amours de son héroïne. Et ainsi donner à lire la multiplicité des scénarii envisageables.

En voilà une bonne leçon pour celui ou celle qui se lance dans le projet d’innover : garder un œil sur l’existant (la cartographie), ouvrir l’horizon sur l’immensité des possibles (les scénarii)… Et surtout, surtout, s’intéresser à ce qui passe au cours d’un parcours riche en rebondissements plutôt que de chercher le chemin le plus simple pour arriver à ses fins.

 Les Essais, de Montaigne : de tout (et de toi), tu feras ton miel !

Quel est le point commun entre la religion, les chevaux, les flatulences, l’amitié, le cannibalisme, le hasard, l’Italie, les angoisses, la vieillesse, le sommeil, le mariage, le Mexique et les livres ? Ce sont autant de thèmes (parmi d’autres encore) sur lesquels Montaigne à des choses à dire dans ses Essais !

Car il est comme ça, Michel, de tout ce qui l’interpelle, il fait son miel. Dans tout ce qui constitue la vie, dans tout ce qui fait l’actualité, dans tout ce qu’il y a autour de soi, il y a forcément quelque chose à penser, une idée nouvelle à exprimer et pourquoi pas un projet à imaginer.

Jouez-la comme Montaigne ! Ne considérez aucun sujet comme trop trivial pour vous intéresser. Ne regardez pas non plus les sujets  déjà décryptés par des experts comme interdits aux novices. Autorisez-vous le point de vue : le vôtre et celui des autres.

Et si vous avez encore besoin de vous convaincre que Montaigne peut vous aider à développer un esprit d’innovateur, allez voir du côté des pages des Essais qu’il consacre aux « nouvelletés » (sic). 

La disparition, de Pérec : avec la contrainte, tu joueras !

La disparition, c’est tout un roman écrit sans jamais utiliser la lettre la plus courante de la langue française : le « e ». Vous imaginez que le résultat est abscons ? Détrompez-vous, l’histoire est captivante et vous allez tourner les pages sans même vous apercevoir que l’heure tourne.

Mais pourquoi donc s’être infligé une telle contrainte d’écriture ? Parce que Pérec appartenait, avec Raymond Queneau, Marcel Duchamp, Italo Calvino et plus près de nous Hervé Le Tellier, Anne F. Garréta ou Clémentine Mélois au mouvement de l’OuLiPo. Oulipo, cela signifie : OUvroir de LIttérature POtentielle.

Ces écrivains et artistes, joueurs mais aussi baignés de culture scientifique, ont pour règle d’or l’expérimentation… Cela passe souvent par  une contrainte imposée à soi-même pour observer dans quelle mesure celle-ci modifie les habitudes de créer. Et par le fait de se demander ce qui peut être inventé pour surmonter cette contrainte.

En se contraignant à virer de son lexique la lettre à la fois le plus fréquente et la plus silencieuse de la langue, Pérec s’oblige à écrire comme il ne l’a jamais fait, à se poser des questions qu’il ne s’est jamais posé. Il évite les facilités et il fait démonstration que rien n’est impossible ! Si ça, c’est pas une inspiration pour l’innovation…

Marie Donzel, experte innovation sociale

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