C’est un 17 mai, et plus particulièrement le 17 mai 1990 que l’OMS s’est (enfin) décidée à retirer l’homosexualité de sa liste des maladies mentales. C’est ainsi que ce jour est devenu la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. De nombreux progrès ont été réalisés depuis et de nombreux droits ont été durement acquis. Il reste néanmoins beaucoup de chemin à parcourir pour s’affranchir d’une vision stéréotypée des diverses orientations sexuelles et identités de genre.
Intéressons-nous aujourd’hui à la bisexualité, orientation connue de toutes et tous mais finalement assez peu comprise. Les définitions étant nombreuses, nous vous proposons celle de SOS homophobie : la bisexualité renvoie au fait d’éprouver de l’attirance émotionnelle, physique et/ou sexuelle pour les femmes et pour les hommes.
Sans plus tarder, voici les phrases stéréotypées que vos collègues bisexuel·les ne veulent plus entendre autour de la machine à café !
1. « La bisexualité, c’est juste une phase »
Ce stéréotype insinue que la bisexualité n’est pas une orientation sexuelle en tant que telle mais seulement une étape de transition vers l’homosexualité.
On pourrait se demander pourquoi la bisexualité fait face à une telle négation. Une hypothèse repose sur la forte dualité perçue entre l’hétérosexualité et l’homosexualité. Disons le haut et fort : la bisexualité n’est pas une phase mais une orientation sexuelle à part entière et il n’est pas nécessaire de « choisir un camp ». Enfin, il ne faut pas confondre la bisexualité avec la bicuriosité (ou hétérocuriosité), qui renvoie elle à une recherche d’identification ou à une ouverture passagère sans remettre en cause l’orientation sexuelle de l’individu.
2. « La bisexualité, c’est un effet de mode »
Selon une enquête Gallup réalisée en 2022, 15% des adultes de la génération Z s’identifient comme bisexuels aux Etats-Unis, soit 75 fois plus que la génération baby-boomers (0,2%) ! Mais peut-on vraiment parler d’un effet de mode ?
Cette « tendance » autodéclarative n’est pas tant liée au fait d’être ou non LGBT+ (« B » en l’occurrence), qu’à la liberté croissante de pouvoir oser être soi dans la société. Il y a quelques décennies, les gauchers n’étaient pas autorisés à écrire de la main gauche. Dès lors que cette aberration a cessé, la proportion de gauchers est montée en flèche. Il n’y a en réalité pourtant pas plus de personnes naturellement gauchères qu’en 1900 !
Il en est de même avec le sujet LGBT+. La bisexualité n’est pas une mode, elle est juste plus simple à aborder que par le passé.
3. « Les personnes bisexuelles sont attirées par tout le monde et sont infidèles »
Beaucoup de stéréotypes sur la bisexualité se rapportent à une forme d’hypersexualisation des personnes concernées, perçues comme festoyant « à deux râteliers ». Celle-ci provoque des peurs (de recevoir des avances) et des fantasmes (autour d’une vie sexuelle nécessairement riche et débridée). Du fait d’être « attirées par les femmes et les hommes », au fait d’être « attirées par tout le monde », le raccourci est très vite dressé… et fatalement stéréotypé ! Ainsi, les personnes bisexuelles sont souvent jugées infidèles et dotées d’une libido démesurée.
La chanteuse Domo Wilson l’exprime bien dans une de ses chansons :
« And y’all like to say we selfish, yeah, y’all say we like to cheat
But I don’t date both at the same time, haters have a seat »
« Vous dites qu’on est égoïstes, qu’on aime tromper
Mais je ne sors pas avec les deux en même temps, les haineux peuvent se rasseoir ».
Est-ce qu’une personne hétérosexuelle est attirée par toutes les personnes du genre opposé au sien ? Évidemment que non. Il en est de même avec les personnes bisexuelles !
4. « La bisexualité d’une personne disparaît quand elle est en relation de couple »
Penser qu’une personne bisexuelle « se range » quand elle décide de se mettre en couple est un stéréotype dangereux car il participe à invisibiliser les personnes bisexuelles et à faire déni de leur identité. Il est important de ne pas confondre orientation sexuelle et pratiques sexuelles. Le fait de s’astreindre à un type de sexualité quand on s’engage dans une relation de couple ne signifie pas renoncer à son identité bisexuelle.
Ainsi, le fait pour une femme bisexuelle d’être en couple avec un homme ne fait pas d’elle une femme hétérosexuelle, comme le fait d’être en couple avec une femme ne fait pas d’elle une femme lesbienne. Dans les deux configurations, elle reste une femme bisexuelle.
5. « Les personnes bisexuelles sont 50% hétéro et 50% homo »
Le biais de binarité résonne comme une injonction à devoir « répartir » et ce faisant, fausse la statistique : les personnes bisexuelles ne sont pas 50% hétéro et 50% homo mais 100% bisexuelles.
Il est ici important de comprendre que la bisexualité n’est pas à envisager comme un point placé à égale distance sur une droite entre l’hétérosexualité et l’homosexualité, mais comme un spectre.
Notons au passage que les personnes bisexuelles ne ressentent pas nécessairement la même force d’attraction pour les hommes et pour les femmes. Elles peuvent donc légitimement être davantage attirées par un genre ou par un autre, et cette attirance peut varier dans le temps. On peut ainsi être davantage attiré par les hommes à un moment de sa vie, et par les femmes à un autre moment.
Maintenant que vous êtes au clair avec ces idées-reçues, ne craignez plus d’aborder librement le sujet autour de vous. L’orientation sexuelle (comme l’identité de genre) n’est pas qu’une question de vie privée et elle a toute sa place en entreprise. Le but n’étant pas tant de s’épancher sur les pratiques sexuelles des uns et des autres que de pouvoir vivre de façon banale le fait d’être bi… Ou d’une autre couleur de l’arc-en-ciel !
Romain Petit & Valentine Poisson