Comment ça se passe au pays du soleil levant côté boulot, ? En tant que gaijins (entendre : étranger·e·s au Japon et à sa culture), nous nous étonnons à imaginer des salarymen-woman japonais·es croulant sous le travail, quand ce n’est pas sous les vapeurs de saké des soirées networking au karaoké…
1- Le Japon manque de chômeurs et de chômeuses
Avec un taux de chômage de 2,4%, le Japon connaît une situation de quasi-plein emploi. Bonheur ? Pas vraiment, puisque cela entraîne une pénurie de main-d’œuvre très problématique pour l’Archipel. Côté recrutement, c’est un vrai casse-tête : en janvier 2017 on comptait 159 offres d’emploi pour seulement 100 demandes. Côté salarié·e·s, cela se traduit par une explosion des emplois précaires… mais pas d’augmentation des salaires !
2- Le Japon est le précurseur des congés menstruels
Depuis 1947, les femmes qui ont des règles douloureuses peuvent prendre un congé dit menstruel. Mais selon le Zenrôren, principal syndicat national, seules 0,09% des Japonaises ont osé le prendre en 2016. En cause la charge de travail, mais aussi le tabou des menstruations, très ancré dans la société japonaise.
3- La sieste au travail est bien vue
Alors qu’en France la sieste au travail est encore très mal vue, au Japon c’est tout le contraire. La pratique de l’inemuri, qui désigne la « sieste-minute », est ici considérée comme un marqueur de son investissement au travail. C’est d’une logique imparable : plus on travaille, plus on est fatigué·e et plus on a besoin de siester !
4- Pour pérenniser le nom de son entreprise : on adopte un adulte !
Au Japon, 98% des personnes adoptées sont des adultes. Dans un contexte de chute de la natalité, cette pratique nommée mukoyōshi ou « beau-fils adopté » permet en effet aux chef·fe·s d’entreprise de trouver un héritier et de préserver leur nom de famille. Juste une idée en l’air : ce ne serait pas plus simple de désigner sa fille comme héritière ?
5- Pour lutter contre le surmenage : le Premium Friday
Pour limiter le surmenage et relancer l’économie, le gouvernement japonais a lancé en février 2017 une campagne incitant les salarié·e·s à quitter le travail à 15h tous les derniers vendredis du mois, histoire d’aller faire un peu de shopping. Un an plus tard, c’est un flop : le gouvernement constate que seulement 11% en profitent. En même temps, la fin du mois c’est pas forcément le meilleur moment pour débourser ses yens !
6- Toujours pour lutter contre le surmenage … attaque de drones chanteurs !
Puisque les tentatives du gouvernement sont infructueuses, les entreprises ont rivalisé de créativité pour trouver une solution au surmenage des travailleurs et travailleuses japonais·es (c’est une vraie problématique ici où la mort par surtravail a même un nom, le karoshi). Adoptez donc T-frend, un drone conçu pour traquer les salarié·e·s qui font des heures supp’ ! Une fois les criminel·lle·s identifié·e·s, T-frend les poursuit en bourdonnant bruyamment. Et au cas où ça ne suffirait pas, il se met aussi à chanter « Ce n’est qu’un au revoir » dans sa version écossaise… C’est encore mieux !
7- Les entreprises proposent des services parfois… très étonnants
Un robot moine pour lire les prières bouddhistes lors de funérailles, vous avez déjà vu ça en France ? Au Japon, certaines entreprises se sont spécialisées dans de vrais marchés de niche : par exemple si vous avez la phobie des cafards et que vous en trouvez un chez vous, cette entreprise propose de venir vous en débarrasser ! Dans une société obsédée par les apparences où il n’y a rien de pire que de « perdre la face » en public, on peut même louer des ami·e·s, un faux père ou un faux petit ami !
8- Travailler jusqu’à 80 ans, même sans les dents !
En 2025, 1 Japonais·e sur 3 aura plus de 65 ans. Alors comment faire face à ce vieillissement de la population ? En allongeant la durée de la vie active bien sûr ! Si pour le moment les fonctionnaires japonais·e·s peuvent travailler jusqu’à 70 ans, le gouvernement vient d’annoncer une mesure les autorisant à continuer leur service jusqu’à leur 80e printemps. On est sur une base de volontariat, mais quand même …
9- Vis ma vie de chat de bureau
Pour lutter contre le stress, vive la ronronthérapie ! Source d’apaisement et de bien-être, nos amis félins sont les bienvenus dans de nombreux bureaux au Japon. Et comme les souris d’ordinateurs commençaient à mystérieusement disparaitre, on trouve aussi désormais des chiens de bureaux, des chèvres et même des alpagas !
10- Des formations pour se sensibiliser au harcèlement olfactif
Surfaits le harcèlement moral et le harcèlement sexuel ? En tout cas, si les Japonais·e·s sont connu·e·s pour être très à cheval sur l’hygiène, toute situation de sudation persistante ou d’eau de toilette un peu trop entêtante est ici perçue comme une véritable agression. Possibilité est donc donnée de suivre une formation pour se sensibiliser au traitement des odeurs.
11- Le patron décide quand on a le droit d’avoir des enfants
Chacune son tour ! Malgré le taux de natalité extrêmement bas, de nombreuses entreprises japonaises mettent en place de véritables plannings de grossesse. Et gare à celles qui n’en ferait qu’à leur tête, comme cette puéricultrice mentionnée par le quotidien Mainichi Shimbun : taxée d’égoïste par son patron pour n’avoir pas respecté le calendrier, elle a dû ensuite lui présenter ses plus plates excuses… Mais qui est-ce qui abuse ?
12. Des congés pour arrêter de fumer
Plus efficace que les photos répugnantes pour arrêter de fumer, les jours de congés ! Au Japon, une entreprise de marketing numérique a en effet proposé 6 jours de congés supplémentaires aux salarié·e·s non nicotiné·e·s. Préoccupée par leur santé ? Pas vraiment : il s’agit plutôt de traquer les pertes de temps engendrées par les pauses cigarettes. Quelle injustice par rapport à celles et ceux qui préservent leur poumon !
13- Le karaoke pour signer un contrat
Le karaoke au Japon, c’est une véritable institution. Et pour cause : au-delà d’être un divertissement très plébiscité par les jeunes et les moins jeunes, c’est un lieu privilégié pour les soirées networking entre collègues… mais aussi pour contractualiser de juteux contrats ! En matière de négociation, les karaokes sont en somme au Japon ce que les repas gastro sont à la France.
Valentine Poisson