On dit souvent que les couples qui durent le plus longtemps ne sont pas ceux qui s’engueulent le moins, mais ceux qui s’engueulent le mieux. S’il y a bien un couple du petit écran qui n’a pas compris cet adage, c’est Ross et Rachel, les deux amants de la série Friends. (À prononcer Fouends et non pas Fri-ènds comme je le faisais quand j’avais 12 ans). Une seule de leurs disputes a été l’un des principaux fils conducteurs de 3 saisons entières. Soit 3 saisons d’environ 25 épisodes de 20 minutes. Les protagonistes auraient pu avoir environ 25h pour traiter du fond du problème, discuter, apprendre de leurs erreurs et reconstruire la relation.
Mais les seules « punchlines » qu’on retiendra de cette histoire sont les « We were on a break ! » de Ross et les « No we were NOT on a break ! » de Rachel. (Traduction : « on était en pause »/ « on n’était PAS en pause »). Si une médaille Olympique du Campage de positions existait, ces deux-là arriveraient ex-aequo.
Rappel des faits pour les fans modérés
Pour les fans modérés ou ceux qui n’ont jamais regardé la série, une petite mise en contexte s’impose. Par avance, pardonnez mon franglais. Le cœur de la dispute intervient dans l’épisode 315, à la saison 3 : « The One Where Ross and Rachel Take A Break – Celui qui vivait mal la rupture ». Dans cet épisode, Rachel et Ross doivent fêter leur tout premier anniversaire mais Rachel est retenue au travail pour gérer une urgence. Ross décide de lui faire une surprise en la rejoignant au bureau avec de quoi faire un pique-nique au travail. “Awwwwww” me direz-vous…Problème : elle lui avait explicitement dit qu’elle n’avait pas le temps juste avant au téléphone.
Quand elle le voit arriver, Rachel est désolée, répète que c’est très gentil mais qu’elle n’a vraiment pas le temps. Ce que Ross ne semble pas entendre. Il se met à ouvrir la bouteille de vin, fait un bruit monstre, manque de mettre le feu à toute la table. Et par une série de malheureux hasards, Ross instaure en quelques minutes un chaos encore plus grand au bureau. Lorsque Rachel finit par rentrer du travail, les deux amoureux s’expliquent. Rachel est vexée et estime que Ross ne prend pas au sérieux son nouveau travail. De son côté, Ross lui reproche de ne plus être présente et dit avoir le sentiment de davantage entretenir une relation avec son répondeur qu’avec elle.
L’un a besoin de plus d’attention, l’autre de consacrer toute son énergie à ce nouveau travail qui lui plait et dans lequel elle se sent à sa place (une première dans sa vie). Ils ne semblent plus sur la même longueur d’onde. Rachel prononce alors la sentence « Je pense qu’il faut qu’on fasse une pause ». Sans poser de question, ni plus d’explications Ross claque la porte et s’en va. Plus, tard dans la soirée, il tombe sur une collègue de bureau, avec qui il a une aventure. Le lendemain Rachel vient chez lui pour s’excuser mais c’est déjà trop tard. L’amante est dans le lit de Ross.
Alors, were they really on a break?
The answer is: ON S’EN FICHE !
L’enjeu n’est pas de savoir si oui ou non Ross était dans son bon droit, mais d’évoquer tout ce que cette dispute a pu cristalliser, d’aborder (attention concepts révolutionnaires) … les émotions et les ressentis de chacun ! Alors, quelles leçons tirer de cette (mauvaise) gestion de conflit ?
Dès le départ et en premier lieu : laisser sortir les émotions et aborder les ressentis… Pour l’autre…mais aussi pour soi !
Avant même de chercher des solutions pour résoudre le conflit au plus vite, il faut d’abord chercher à comprendre ce qu’il se passe chez l’autre. Mais aussi chez soi ! Parce que Ross n’a pas pris le temps de réaliser toutes les émotions qu’il était en train de ressentir, il n’était clairement pas disposé à entendre et comprendre ce qu’il se passait dans la tête (et le cœur) de Rachel.
Poussé par la peur de la perdre, il lui fait des excuses, comme on envoie des balles, ce qui devient presque une réaction défensive. Il n’adresse donc pas vraiment les valeurs de confiance et de respect mutuel qui ont été heurtées chez elle.
Derrière les ressentis, aller chercher les besoins insatisfaits
On peut imaginer, que, passé le “coup de chaud”, ce désaccord aurait pu donner lieu, au moins dans un deuxième temps, à une conversation plus posée, qui aurait donné l’occasion à Ross et Rachel de partager leurs ressentis, sans jugement, et de trouver des solutions ensemble.
La dispute s’est cristallisée autour de cette histoire de tromperie, sans que ni l’un ni l’autre n’aille creuser les conditions d’une relation saine, donc sans adresser les problématiques préexistantes. Pourtant les conflits représentent bel et bien une opportunité de rebattre les cartes et de renforcer la relation, et ce dans un cadre professionnel ou personnel… lorsqu’ils sont bien gérés !
Quand les valeurs sont heurtées, reste à demander pardon
C’est l’ultime étape de la reconnaissance, demander et se voir accorder ou non le pardon. À savoir :
- Manifester sa compréhension : reformuler fidèlement ce que l’autre dit, la reconnaissance confère le sentiment d’exister, d’avoir sa propre réalité. Plus elle arrive tôt, plus elle est efficace
- Rentrer en empathie : comprendre ce que ça a pu générer chez l’autre et le dire
- Formuler des excuses : même sans intention, nos actions peuvent blesser, des excuses peuvent permettre d’apaiser la situation
- Demander pardon
Ross se concentre uniquement sur la dernière étape, celle du pardon, qui semble arriver trop tôt avant que les trois première n’aient pu être abordées. Et puis, le pardon ne peut être accordé que par l’autre…
En toile de fond : admettre que ce qui importe ce n’est pas l’intention, mais l’impact
On le répète souvent en gestion des conflits, ce qui doit guider notre analyse d’une situation, que nous soyons parties ou non, ce ne sont pas les intentions mais bien les impacts d’un comportement donné. Que Ross pense être « dans son bon droit » et bien que son intention n’était pas de blesser Rachel, il doit par la force des choses en assumer les conséquences.
Dans la scène de la rupture (effective) Rachel le met d’ailleurs en avant quand Ross prononce pour la première fois “We were on a break” elle lui réponde : « You think you will get out of this on a technicality » (tu penses pouvoir t’en sortir avec cette technicité”)
Laisser le bénéfice du doute
Du côté de Rachel, cette fois il aurait fallu qu’elle arrive, au moins dans un deuxième temps à laisser le bénéfice du doute à Ross. Puisque pour résoudre un conflit, il faut qu’au moins l’une des parties face un pas vers l’autre… et la seconde doit être disposée à s’ouvrir un peu.
Conclusion
Apprendre à bien s’engueuler, c’est tout un art, et la pop culture nous fournit régulièrement des contre-exemples ! L’avantage c’est que pour peu qu’on y mette un peu de bonne volonté, plus d’honnêteté et moins d’égo, on peut résoudre les conflits, en ressortir satisfaits et voire nos relations renforcées… Dans la vie perso comme au boulot.
Clémentine Buisson