8 ratés de l’égalité à l’ère du coronavirus

La crise mondiale du coronavirus bouscule les sociétés et les ménages, reléguant en arrière-plan certaines préoccupations de fond, comme l’égalité F-H. Ce mois-ci, le programme 8 lance l’alerte sur les risques de dérives qui appellent un minimum d’attention.

1. « La guerre », c’est aussi l’affaire des femmes…

« Nous sommes en guerre » a martelé le président lors de son allocution télévisée du 16 mars 2020. Si nous sommes en guerre, n’oublions pas d’associer les femmes aux conseils de guerre et de leur donner autant de visibilité médiatique qu’à leurs homologues masculins.

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Ce mois-ci dans Paris Match : les femmes ne sont pas invitées au « conseil de guerre »

De fait, les femmes assumant un rôle de leadership sont activement impliquées dans la stratégie et la gestion de crise, sur tous les fronts : politiques (comme Florence Parly, ministre des armées, qui coordonne les transferts de patient·es par air et mer ainsi que le transport et la protection des masques, ou Nicole Belloubet, garde des sceaux et ministre de la justice, qui s’attèle à assurer l’État de droit en période de confinement), économiques (à l’instar d’Ursula von der Leyen, la présidente de la commission européenne, qui défend des investissements massifs pour le budget de l’UE), sanitaires (comme Marie-Odile Saillard, directrice générale du CHU Metz-Thionville, qui plaide pour une stratégie globale face à la catastrophe sanitaire)…

2. « Le care », c’est aussi l’affaire des hommes !!!

« L’incroyable salaire versé aux infirmières par certains hôpitaux américains » titre Capital. « Médecins, infirmières, pompiers : ces sportifs au service des malades face au Covid-19 » titre Ouest France. « Coronavirus – Thomas Dutronc rend hommage aux infirmières dans un titre inédit » titre France Bleu. Et les infirmiers dans tout ça ? Se tournent-ils les pouces ? N’ont-ils pas droit aux hommages eux aussi ? Certes, ils sont minoritaires : 17% d’étudiants en soins infirmiers en 2016 selon la DREES, et 12% d’infirmiers en exercice en France d’après le syndicat infirmier. Minoritaires, mais pas moins méritants. Nous leur devons à eux aussi la reconnaissance de leur activité, notamment par ces temps troublés.

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Campagne « Infirmier·e·s à poil contre le Covid-19 », dénonçant le manque d’équipement pour faire face au coronavirus

3. Alerte propagation virulente : les propos grossophobes

En confinement, notre activité physique est largement réduite et la tentation est grosse d’évacuer son stress et/ou de tuer l’ennui par la nourriture. En résulte une nouvelle angoisse : celle de la prise de poids. Nous sommes le 17 mars 2020 et Cyril Hanouna, en grand prophète, menace à coup de hashtag : « #OnVaPrendre20KG » tout en s’appuyant sur un savant photomontage de son équipe version triple menton.

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Une grossophobie ambiante se propage en effet insidieusement dans les médias et les réseaux sociaux, sur le ton de l’humour… Ou celui de l’injonction : « Faites du sport depuis votre salon » nous assène-t-on ! Entre les blagues et les bons conseils, le message est sans équivoque : « gare à toi… Car sinon, d’ici la fin du confinement, tu pourrais bien faire partie de ceux·celles-là » ! Et si on commençait par accepter que « gros » n’est pas un gros mot ? Que c’est okay de prendre du poids ? Et si on lâchait la grappe à celles et ceux qui en ont ?

4. Alerte propagation virulente (2) : le contrôle de l’apparence

Si vous ne voulez pas « faire de l’ombre à Chewbaca », tâchez de respecter à la lettre les « 10 commandements beauté à adopter en confinement » de Magicmaman.com ! Les femmes sont confinées dans leur domicile, espace intime où le pyjama et le jean troué règnent d’ordinaire en maîtres. N’en déplaise à la presse mode et beauté, qui tente en vain de se réinventer à l’ère du coronavirus, prodiguant 1001 injonctions pour rester belle en toute occasion… même chez soi ! Les vannes s’en donnent à cœur joie sur les réseaux sociaux pour réduire les femmes à leur physique : mais à quoi vont-elles bien pouvoir ressembler à la fin du confinement ?!

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Blague circulant sur Facebook

Essayons une autre vision : et si on laissait aux femmes (et aux hommes) la liberté de définir la mode plutôt que l’inverse ? De fait, à en croire l’historienne de la mode Kimberly Chrisman-Campbell : « les grands tournants stylistiques n’émanent pas de ce petit monde de la haute couture, mais d’évènements majeurs qui perturbent toute la société ». N’oublions pas que c’est « au sortir de la Seconde Guerre mondiale que le pantalon commence à se démocratiser chez celles qui l’ont beaucoup porté lors de leur mobilisation dans les usines ». À bientôt la nouvelle ère vestimentaire du jogging-chic ?

5. L’humour qui tue

Le rire est plus que jamais nécessaire pour faire retomber la pression que nous vivons. Mais à l’heure où les violences conjugales explosent avec le confinement, est-ce vraiment drôle de mettre en scène les sévices faits aux femmes ? Oui, à en croire Jean-Marie Bigard.

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Page Facebook officielle de Jean-Marie Bigard et « blague » circulant sur les réseaux sociaux

6. La « surcharge mentale » en période de confinement

On connaissait le concept de charge mentale. Elle est déjà lourde à porter en temps normal, mais qu’en est-il quand les enfants ne vont plus à l’école et que la cantine d’entreprise n’épargne plus la préparation du déjeuner ? D’après la psychiatre Aurélia Schneider, le confinement fait peser un risque de surcharge mentale : « En ce moment, tout doit être mené de front, sous un toit unique et dans le même espace temps… S’ajoute le poids psychologique de l’angoisse pour nos proches. Et le fait qu’en télétravail, on est sollicité sans arrêt, ce qui fragmente notre énergie ».

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Témoignage de charge mentale sur le compte Instagram Taspensea

7. Ailleurs dans le monde (1) – l’IVG menacé aux États-Unis

Alors que les professionnels de l’IVG s’efforcent de maintenir l’accès à l’avortement, rendu plus difficile en contexte de crise, aux États-Unis les états du Texas et de l’Ohio n’ont pas hésité à brandir la lutte contre le coronavirus pour suspendre ce qu’ils considèrent comme des « opérations non urgentes ». Pendant ce temps, en Caroline du Nord et dans le Michigan des manifestant·es anti-avortement intentent des procès aux autorités locales après avoir été arrêté·es pour violation des règles de confinement.

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Manifestations anti-IVG aux États-Unis (photo AFP)

8. Ailleurs dans le monde (2) – les Malaises priées de ne pas harceler leurs maris

Et le prix spécial du « sexisme en temps de confinement » revient au gouvernement malais qui, dans une série de préconisations publiées sur le compte Facebook du ministère des Femmes, de la Famille et du Développement communautaire local, a enjoint les épouses malaises à « ricaner plutôt que de harceler » leur maris et à « continuer de se maquiller et à user de leur sens de l’humour si leur conjoint refusait de s’impliquer dans les tâches ménagères ». Pour ménager ces messieurs, le ministère a aussi préconisé aux femmes d’imiter la voix du célèbre chat Doraemon… Avant de s’excuser platement suite au tollé provoqué sur les réseaux sociaux.

Valentine Poisson

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