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Seniors : quelle perception du vieillissement ? 

Une question d’actualité posée à notre philosophe… Pour faire un pas de côté.

Dans un monde où le temps de vie s’est allongé, le rapport à la vieillesse devrait logiquement avoir lui aussi évolué. Pourtant, notre société continue d’isoler les personnes plus âgées. Et ce notamment dans le monde professionnel, où dès lors que vous passez la barre des 45 ans, l’organisation tend à vous mettre de côté. Ainsi, près d’1 salarié sur 2 en seconde partie de carrière considère que certains postes de l’entreprises ne lui sont plus accessibles une fois cette échéance passée selon notre rapport Alternego. 

Alors que raconte ce résultat de la représentation sociale des seniors ? Et que pense notrephilosophe de cette perception sociétale biaisée ? Décryptage avec Sophie Berlioz, manager senior. 

Comment expliquer cette dépréciation des salariés en seconde partie de carrière ?

Sophie Berlioz : Il est vrai que dans nos sociétés contemporaines, les seniors sont affectés par des préjugés. Et ce manque de valorisation peut alors entrainer une dépréciation par le senior lui-même, notamment dans la recherche d’un emploi. Pourtant, les seniors, si tant est que le terme convienne, bénéficient souvent d’une expérience solide qu’ils peuvent transmettre, d’une prise de recul précieuse favorisant la rationalité des prises de décisions, d’un « savoir-être » situationnel qui est le fruit de la richesse de leur vécu antérieur. Cette dépréciation s’enracine alors dans un biais social de notre société qui tend à valoriser l’innovation plutôt que le progrès, l’immédiateté plutôt que la prise de recul ou l’esprit critique.Ce biais social devient culturel et consiste à penser que ce qui est nouveau, neuf, ou rapide a davantage de valeur que ce qui est ancien. 

D’où viennent ces biais ?

S. B : À mon sens, il s’agit de croyances tout à fait irrationnelles en une valeur intrinsèque de la nouveauté qui conduit à une survalorisation de la jeunesse en tant que tel. De sorte que quel que soit l’acquis en matière d’expérience, de savoir, voire de sagesse, cela compter a peu ou moins. Notre société veut du neuf, de l’innovation, du disruptif. Et comme dirait Schumpeter, l’innovation c’est la destruction créatrice du vieux par le neuf. 

Quelle représentation sociale du vieillissement a-t-on aujourd’hui ? 

S. B : Le concept de vieillissement comporte deux dimensions, une dimension biologique et une dimension que je qualifierais d’intellectuelle, celle qui se rapporte à l’esprit, à l’intellection. Dans sa dimension biologique, la vieillesse rime avec diminution progressive de nos capacités physiques, de notre énergie. Un vieillissement qui, au travail, peut être associé à la représentation ou à la réalité d’une forme d’usure ou de fatigue, de moindre dynamisme. 

Mais encore faut-il souligner que les »séniors » sont loin d’entrer dans ce cas defigure : ils se situent en pleine force de l’âge. Si au Moyen Âge une personne de 50ans pouvait être qualifiée de « vieillard », ce n’est plus le cas aujourd’hui ! 

Dans sa dimension plus intellectuelle, l’avancée en âge est davantage le signe d’une maturité vertueuse, d’une meilleure compréhension du monde et de ses rouages, de l’acquisition de la prudence… « La valeur la plus nécessaire à la vie humaine » selon Thomas D’Aquin. Or, cette dimension-là, longtemps valorisée dans la Grèce Antique (c’est aussi le cas dans les sociétés traditionnelles, en Afrique ou en Asie) qui fait de la sagesse et de la mesure l’expérience d’une vie et de sa transmission un devoir, est insuffisamment valorisée aujourd’hui dans les entreprises. Et c’est bien dommage.

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