Pour la première fois, la France accueille à partir d’aujourd’hui le Championnat d’Europe de handball… Féminin ! À l’occasion de l’ouverture de la 13e édition de ce tournoi, nous avons interviewé une vraie championne en la matière, au sens propre comme au figuré.
Bonjour Nodjialem, tu es présidente de la Ligue Féminine de Handball. Comment es-tu arrivée jusqu’ici ?
Nodjialem Myaro : J’ai un parcours international en tant que joueuse, une expérience dans la ligue et les instances fédérales. Quand j’ai décidé d’arrêter ma carrière de sportive professionnelle en 2013, Joël Delplanque, le président de la Fédération française de handball, m’a alors proposé d’être présidente de la LFH. Je pense notamment que ce vécu terrain au sein des clubs de haut niveau m’a apporté une bonne connaissance des problématiques professionnelles de ce sport pour investir ce poste.
Lors de ton parcours, est-ce que le fait d’être une femme a été vécu difficilement pour toi ?
Nodjialem Myaro : Oui et non. Il ne faut pas se leurrer sur le fait qu’on a beau faire le même sport, avoir la même charge de travail et la même implication que les hommes, nous n’avons pas les mêmes retombées, que ce soit au niveau des clubs, sur le plan économique ou médiatique. C’est en partie le reflet de notre société et les problématiques sont les mêmes qu’ailleurs : par exemple, j’ai longtemps cru ou on m’a laissé entendre, que la maternité serait la fin de ma carrière de haut niveau. Certes, le fait d’avoir des enfants entraîne une coupure professionnelle qui rend difficile la reprise de la carrière, mais ça ne signe pas l’arrêt d’une carrière.
Je constate aujourd’hui une évolution sur ce plan. La maternité est mieux intégrée dans le process : on peut désormais s’épanouir à la fois sur le plan professionnel et parental !
Quelle est aujourd’hui la place des handballeuses dans le milieu du sport professionnel ?
Nodjialem Myaro : Je pense qu’on peut mieux faire : il y a une évolution mais elle est encore insuffisante. Quand on observe l’évolution du handball pro depuis une dizaine d’années on constate des améliorations très encourageantes, que ce soit par rapport au statut des joueuses, au nombre de licenciées ou encore à la fréquentation du public qui vient voir les matchs féminins. Ça augmente, mais il y a encore une marge de progression importante.
Selon toi, comment améliorer le crédit accordé au handball féminin ?
Nodjialem Myaro : Dès la loi Copé Zimmerman de 2011 sur les quotas au sein des conseils d’administration, la Fédération française de handball s’est mobilisée pour faire de la parité une réalité. Aujourd’hui, on y trouve même plus de femmes que d’hommes ! La ligue féminine est aussi porteuse de ce projet. Le fait de positionner une ancienne internationale en tant que présidente a ainsi du sens pour envoyer un message fort. Je ne pense pas qu’il faille nécessairement « placer des femmes pour gouverner des femmes », mais il est nécessaire de leur ouvrir les portes pour lutter contre les freins auxquelles elles font face, notamment dans ce milieu encore très gouverné par les hommes. Le handball est un sport très familial, tout le monde le regarde, ce qui illustre aussi la place que les femmes ont à jouer dans ces dispositifs. Pour moi, les freins à lever se situent surtout au niveau des mentalités qui sont à faire évoluer et qui sont parfois liées à de la méconnaissance. Quand les gens découvrent le handball féminin en venant assister à un match, ils voient que les joueuses allient sur le terrain volonté, beauté du geste et ils en repartent très enjoués. C’est ce qui permet d’avoir une économie stable, ce qui passe aussi par la couverture médiatique.
Quel message aurais-tu à adresser aux femmes qui souhaiteraient s’épanouir dans le sport professionnel ?
Nodjialem Myaro : Je dirais que leur place est là, qu’elle est légitime et qu’il faut y aller. En osant accepter la proposition de poste de présidente de la LFH, j’ai découvert une nouvelle façon de voir mon sport et j’ai réalisé que j’avais des choses à dire. Le handball n’est pas un sport sexué, le terrain est le même pour tout le monde. C’est un sport interculturel, comme d’autres sports, qui casse les codes et qui rassemble toute une diversité de profils : il en faut des grand·e·s, des petit·e·s, des véloces, des puissant·e·s… C’est toute cette alchimie-là qui fait le succès du handball. On a chacun·e notre mot à dire et notre rôle à jouer. Il faut donc oser, se faire accompagner, avoir confiance en soi, et aussi que les autres aient confiance en nous, pour aller le plus loin possible.