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L’oeil de l’expert·e : Black Panther

Après avoir fait l’objet d’un Google bombing douteux le week-end dernier, le film Black Panther sort aujourd’hui dans les salles obscures. Pour la première fois, Marvel met en scène un super-héros noir à l’écran. Serait-ce l’opportunité d’introduire un peu de diversité dans le paysage cinématographique (l’année dernière, DC nous offrait avec Wonder Woman une héroïne 100% féminine) ainsi qu’un nouveau role-modèle pour la communauté noire à travers le monde ? Nous avons posé la question à notre expert diversité, Patrick Scharnitzky.

Black Panther

 

Quelle est ta lecture de la sortie de Black Panther ?

Nous sommes toujours dans une dichotomie d’une Amérique déchirée entre les blancs et les noirs où la couleur de la peau reste ethnicisée, c’est à dire que les noirs sont mis en scène précisément parce qu’ils sont noirs, en tant que citoyens du Wakanda (pays africain fictif) et non pas simplement comme des acteurs de la société américaine. Le pays qui a inventé le concept d’inclusion reste campé sur une vision communautaire dans laquelle on se définit avant toute chose par la couleur de la peau.

Et on le voit depuis l’élection de Donald Trump, cette frontière symbolique est renforcée et donne lieu à des dérapages comme par exemple avec la réaction raciale face à la publicité Dove il y a quelques mois. Le premier super héros noir est mis en scène pour défendre … Les noirs, avec en arrière fond une volonté maladroite de contredire les stéréotypes ! Je préférais « La princesse et la grenouille » de Walt Disney !

Quelles problématiques cela soulève-t-il ?

Cela entretient la question du rapport de force entre les noirs et les blancs et la sortie de Black Panther n’arrive pas à n’importe quel moment de l’histoire des États-Unis. La décennie Obama a soulevé des espoirs dans le sens d’une mixité culturelle harmonieuse. Mais elle s’est vite confrontée à une binarité profondément inscrite dans l’ADN socioculturel de ce pays.

Quand un critère catégoriel est entretenu socialement comme le premier élément descriptif d’une personne, alors il ne faut pas s’étonner si tous ses faits et gestes sont interpréter à travers le prisme ethnique. Et cela entretient des stéréotypes forts, confirmant inconsciemment une forme d’essentialisme des différences. On considérera automatiquement qu’un chômeur blanc qui commet un vol à l’étalage le fait parce qu’il est au chômage. Mais s’il est noir, notre cerveau fera l’interprétation qu’il vole parce qu’il est noir…

En quoi ce débat impacte-t-il le monde de l’entreprise ? 

L’entreprise est un écosystème au diapason de l’environnement socioculturel dans lequel il baigne. Aucune raison donc pour que les rapports sociaux à l’extérieur ne se reproduisent pas de façon mimétique à l’intérieur. Cette vision binaire Blanc/Noir de la société américaine, mettant en scène des logiques d’opposition et de compétition, continue à entretenir l’idée que, dans l’entreprise, les compétences et la personnalité sont fortement conditionnées par la couleur de la peau. Il s’en suit des inégalités de pouvoir au profit des blancs, qui empêchent l’émergence de rôles modèles non pollués par l’origine ethnique. Et les « affirmative action » peuvent à leur tour renforcer l’idée que les noirs sont faibles puisqu’ils ont besoin d’être aidés dans la sphère professionnelle alors qu’ils s’en sortent très bien dans la musique ou le sport… Il est ainsi nécessaire d’apprendre à dépolluer nos cerveaux, notamment par une véritable politique de diversité et de lutte contre les discriminations en entreprise.

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