santé & durabilité Le boulot sans frontière

Royaume-Uni : L’ère des calmcations où l’art de couper

À l’heure où la santé mentale des salariés devient un sujet prioritaire dans le débat public, des initiatives fleurissent pour répondre à une urgence partagée : celle de souffler. Zoom sur les “calmcations” au Royaume-Unis

Dans la campagne anglaise, à deux heures de Londres, de petites maisons en forêt sont très prisées. À l’intérieur : un lit, une bouilloire, quelques livres. Et surtout, pas de Wi-Fi, pas de réseau, pas de notifications. Ces “cabanes déconnectées” se multiplient au Royaume-Uni et sont spécialement pensées pour offrir aux citadins débordés quelques jours loin du tumulte numérique. Une réponse simple à une demande devenue pressante : se déconnecter.

Les cabanes comme celles-ci incarnent une tendance plus large. Baptisées outre-Manche les “calmcations” (contraction de “calme” et “vacances”) : ces dernières visent à offrir des vacances posées, courtes, et pas trop loin de chez soi. Un contre-pied aux longs voyages à l’autre bout de la planète où l’objectif est de voir le plus de sites touristiques possibles. Un espace pour se perdre dans la “JOMO”, la « joie de rater quelque chose », version post-burnout de la “FOMO” (acronyme de “Fear Of Missing Out”, se traduit en français par la “peur de manquer quelque chose” »).

Quand le repos devient une nécessité

Néanmoins, le succès de ces micro-escapades ne repose pas seulement sur leur effet apaisant. Il révèle aussi un besoin pour les travailleurs d’envisager la pause non comme une échappée exceptionnelle mais comme une respiration régulière, mieux adaptée à l’équilibre des temps de vie. Qu’il est possible de s’arrêter plus souvent, plus simplement. Et qu’il n’est pas nécessaire d’aller au bout du monde pour récupérer.  Repos, lenteur, proximité… On y retrouve trois leviers qui relâchent l’étau de la performance permanente, y compris dans nos congés.

D’autre part, ce type d’escapade permet de limiter son impact environnemental. Un argument d’autant plus intéressant qu’il contribue lui aussi à une santé mentale apaisée. Psychologues et thérapeutes parlent de “dissonance cognitive” quand nos actes quotidiens entrent en contradiction avec nos valeurs. Alors en renonçant aux longs vols polluants, en faisant le choix de la sobriété, en ralentissant son rythme, on aligne soudain son mode de vie avec ses convictions. Dans ce contexte, les “calmcations” deviennent plus qu’une pause : elles offrent un espace de réparation mentale. On ne s’échappe pas du monde, on s’y réinscrit autrement.

Et en France ?

L’Hexagone, pourtant riche en paysages de proximité, reste attaché à un modèle de “grandes vacances” souvent lointaines, vécues comme une soupape après des mois d’intensité. Partir loin, longtemps, reste un symbole, depuis les bancs de l’école jusqu’en open-space. Et les alternatives locales sont encore perçues par certains comme des “sous-vacances”.

Pourtant, si les calmcations intriguent, c’est qu’elles résonnent avec une transformation plus vaste du rapport au travail, dans lequel l’engagement professionnel passe aussi dans le respect des équilibres et besoins de chacun. En témoignent la montée des revendications pour des semaines de quatre jours, l’attachement au télétravail ou dans la volonté de souplesse des horaires. Ce que beaucoup recherchent aujourd’hui, ce n’est pas seulement du repos : c’est une plus grande maîtrise de leur espace/temps. Et si ces envies restent parfois inavouées ou difficiles à concrétiser, elles tracent déjà un horizon : celui d’une vie au travail mieux alignée avec ce que nous voulons vraiment. Pour nous-mêmes comme pour le monde que nous habitons.

Thibaut Deville

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