À l’heure où notre société recherche constamment l’amélioration de l’existant, l’innovation semble plébiscitée de tous les côtés – autant par le pouvoir politique que par l’opinion publique -partout, tout le temps… Quitte à se retrouver parfois galvaudée au cours des dernières années. Alors, si on revenait sur l’essence même de l’innovation ? Que pense notre philosophe de cette notion qui suscite l’admiration ? Décryptage avec Sophie Berlioz, Manager senior.
Finalement, qu’est-ce que l’innovation ?
Sophie Berlioz : Le champ de l’innovation est immense ! Il peut s’agir de l’introduction d’une nouvelle technique productive, de l’ouverture d’un nouveau débouché, de la conquête d’une source nouvelle de matières premières ou d’énergie ou encore de l’introduction d’une nouvelle organisation du travail… En somme, l’action d’innover c’est créer et introduire une nouveauté susceptible de bousculer l’existant, de porter un changement. Mais c’est aussi risquer de détruire.
Par exemple, l’innovation de la numérisation de la photographie bouscule la photographie argentique et à plusieurs niveaux : elle crée un nouveau marché, bouscule les habitudes, génère de nouveaux besoins et finit par renverser la perception collective de la photographie…Cette dynamique peut notamment s’expliquer par la notion de destruction créatrice pensée par Schumpeter, grand théoricien de l’innovation. Car pour lui, la nouveauté de l’innovation porte enelle la destruction de ce qui est doublé ou remplacé.
Alors en quoi l’innovation se distingue-t-elle de l’invention ?
S. B : L’invention crée une nouveauté mais pas nécessairement de valeurs économiques. C’est ainsi que la plupart des inventions qui figurent au concours Lépine (Le concours français d’inventions, NDLR) ne créent pas nécessairement de changement économique ou d’habitude de consommation. L’innovation porte en elle une valeur supplémentaire : elle est par essence productrice de changement dans la mesure où elle introduit une nouveauté qui rompt avec la routine et les habitudes des producteurs et des consommateurs.
Quelles sont les conditions pour y parvenir ?
S. B : Pour Schumpeter, l’innovation résulte de la rencontre de l’ingénieur et l’entrepreneur. Autrement dit, entre celui qui trouve et celui qui orchestre par la combinaison de deux paramètres. À savoir l’introduction dans les processus sociaux des inventions fournies par le progrès scientifique et technique et l’exploitation des potentialités offertes par un nouveau marché. Ainsi, leurs rôles sont complémentaires pour parvenir à l’innovation : c’est l’audace de l’entrepreneur qui va permettre de porter la découverte de l’inventeur sur un marché économique ciblé.