Depuis plusieurs décennies en Californie, une petite ville déshéritée du nom d’East Palo Alto côtoie les géants de la Silicon Valley et tel un village d’irréductibles, continue de résister. Résister aux envahisseurs-ingénieurs tout d’abord, responsables de la mutation des paysages, des usages, du niveau de vie dans cette zone devenue l’une des plus riches du monde.
Mais aussi face aux envahisseurs-promoteurs, désireux de faire de ces terrains privilégiés des quartiers résidentiels pour les salariés des BIG Data qui travaillent tout près. En réaction à cette invasion, les habitants et les élus locaux freinent par tous les moyens ce modèle imposé par les géants de tech dans leurs ambitions expansionnistes.
Et ce, malgré les conséquences directes qu’ils subissent. Car à East Palo Alto, plus de 60 %des habitants de l’enclave vivent actuellement de moyens financiers modestes et peinent à joindre les deux bouts au quotidien. C’est ainsi que démarre la série documentaire de FabienBenoit, The Last Town – une ville contre la Silicon Valley, diffusée sur Arte en décembre dernier.
Mais que penser de cette résistance ? La volonté de ne pas se laisser dépouiller par un modèle dominant a de quoi susciter l’admiration. Et pour cause, c’est un comportement pour le moins inhabituel dans notre époque mondialisée. Pour autant, n’y aurait-il pas aussi une part de démesure à réfuter la nouveauté à l’excès dans toute sa globalité ? À ériger au sommet les principes d’immuabilité comme valeur incontestée ? Si un système tourné tout entier vers le changement ne serait pas souhaitable, il semble tout aussi difficile d’imaginer vivre dans une société qui ne changerait ni n’évoluerait jamais. D’autant plus lorsque cette dernière perpétue un niveau de vie en dessous du seuil de pauvreté de ceux qui l’habitent… Retenons que face aux risques et aux peurs que le changement inspire, le repli conservateur jusqu’au déni des réalités nouvelles, n’est ni la seule solution ni forcément la meilleure.