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Sacrés mots ! Petit précis langagier du fait religieux

Amalgames, raccourcis et généralisations relèvent du confort intellectuel pour apprivoiser des sujets complexes, et sont fortement utilisés dans le traitement du fait religieux. Un élément fondamental pour agir de façon pertinente sur le sujet, en entreprise comme ailleurs, est … d’éclaircir les éléments de langage !

Afin d’affiner nos concepts et en inscrivant cette réflexion dans les tendances 2019, il nous appartient de distinguer :

Religion et spiritualité

Et oui ! La religion est considérée par Auguste Comte comme un élément indispensable au lien social, organisé sous forme de codes, pratiques et rituels construits sur base de connaissances ou convictions concernant un ordre naturel ou supranaturel des choses.

La spiritualité, de son côté, s’exerce dans le lien individuel à ce qui relève de l’immatériel, l’esprit, et à un sentiment de transcendance. Celui-ci peut certes s’exprimer par des rituels, codes et pratiques partagées collectivement au sein d’une religion, mais aussi de manière personnelle à travers des moments et actions choisis par soi-même.

D’autres schémas culturels et de représentations organisent ces catégories différemment que nous. S’agissant par exemple des « spiritualités orientales » (hindouisme, bouddhisme, taoïsme, confucianisme…), il est usuel de les catégoriser en Occident en tant que religions mais ce n’est pas toujours la façon dont ces courants s’auto-définissent, préférant les termes de philosophies ou sagesses.

Michel Malherbe note que les mots employés pour « religion » signent une vision différente en fonction des langues : ainsi, « din » en arabe a une connotation de « civilisation », « dharma » dans plusieurs langues indiennes renvoie à la loi, ou l’ordre naturel des choses. En chinois, le mot religion se compose de deux caractères, « zõng » qui, dans l’idéogramme figure les trois manifestations célestes – le ciel, la lune et les étoiles sous un toit, et « jiao » qui signifie l’enseignement.

Religion et tradition

La tradition nomme ce qui est hérité. Elle relève de la transmission au sein des groupes. Comme toujours, il est plus simple d’en faire le tri quand il s’agit de la nôtre que de celle d’un « autre ». Exemple : il est plutôt simple pour moi de distinguer parmi les traditions françaises d’aujourd’hui celles qui relèvent d’un héritage catholique (religion majoritaire), ce qui vient d’une tradition républicaine ou des différentes coutumes régionales. Plus difficile est l’exercice quand il s’agit de celles venant d’un ailleurs géographique ou culturel. Ceci provoque vu de l’extérieur homogénéisation et confusion par méconnaissance et effet de groupe.

En effet les groupes institués, culturels ou pas, ont des mythes fondateurs et un passé. Ce passé n’est cependant pas simplement imité ou reproduit à l’identique par les individus qui composent ledit groupe aujourd’hui. Il est constamment mis en tension par des aménagements innovants issus des contextes sociaux et politiques du moment, et des facteurs personnels. Cette dialectique a également lieu à l’intérieur des religions, où peuvent exister des guerres intestines ou des séparations sans équivoque entre courants conservateurs et d’autres plus ouverts au renouveau.

Fait religieux et communautarisme

Le « communautarisme » est un terme apparu au sein des courants sociologiques des années 1980 aux États-Unis et au Canada.  Le monde anglo-saxon (au sens large) ayant choisi pour sa gestion des flux migratoires une politique « multiculturaliste », les différentes « communautés » culturelles sont acceptées dans leur expression publique, dans une cohabitation souvent délimitée également dans l’’espace (quartiers, villes). Le périmètre des dites communautés ne sont pas définies prioritairement par des éléments religieux (mais c’est possible, dans le cadre par exemple des populations sikhs). Les critères prédominants relèvent plutôt des caractéristiques culturelles, ethniques, « raciales », nationales (les Noirs-Américains, les Italiens, les Latinos, etc).

Cette organisation s’inscrit dans l’esprit d’un droit de tous à la différence et à l’identité, mais dans cette application elle a malheureusement aussi provoqué les phénomènes bien connus de « ghettoïsation ». Néanmoins, elle a été reprise et revendiquée par les principaux concernés dans une logique d’autoprotection face à une tendance assez naturelle à l’absorption identitaire par le modèle culturel dominant.

Par extension, ce terme s’est appliqué assez rapidement aussi aux identités sociales en quête de reconnaissance de leurs droits (les femmes, la communauté LGBTQIA+, etc) sans considérations d’origines culturelles ou religieuses. Le « communautarisme » a ainsi aujourd’hui une forte connotation politique et de revendication sociale, dont l’application actuellement dans notre pays peut provoquer des glissements intellectuels quand il s’agit de traiter le fait religieux. En effet en France, des positionnements républicains craignent que le communautarisme ne remette en cause l’espace public neutre et empêche l’individu de se définir ou de se redéfinir comme il le souhaite. Cette crainte nous est inspirée entre autres par des positions historiquement extrêmes, où la communauté précède l’individu et l’idéal partagé est plus important que la défense de la liberté individuelle. Karl Marx et Friedrich Engels par exemple, qui pourtant rejetaient viscéralement la religion en la qualifiant d’« opium du peuple », prônaient à la fois que « c’est seulement dans la communauté que la liberté est possible« .

Laïcité et obligation de neutralité*

Il existe dans notre pays un attachement fort à la notion de laïcité, ce que montre le 69 % des répondants aux « États des lieux de la laïcité » 2019, qui la qualifient comme « un principe républicain essentiel ». Ce lien est moins fort chez les jeunes générations : 85 % des répondants de 65 ans et plus se déclarent attachés au principe de laïcité, contre 71 % des 18-24 ans et 59 % des 25-34 ans.

Selon l’Observatoire National de la Laïcité on peut attribuer cet écart notamment à une compréhension biaisée du concept parmi une partie des jeunes générations. Ces dernières seraient plus portées que les autres à penser, à tort, qu’il s’agit d’un « principe qui interdit les tenues ou signes religieux visibles dans la rue ».

« L’obligation de neutralité s’impose au sein des entreprises privées » : en 2019 uniquement 25% des répondants donnent la bonne réponse, à savoir « faux » à cette question : 58% pensent que cette affirmation est vraie, et sont donc dans l’erreur.

En effet par différentes jurisprudences, encore récemment sur le cas d’une ingénieure informatique, la justice ratifie le droit à porter le voile en entreprise privée en dehors de certaines circonstances particulières. Dans sa décision du jeudi 18 avril le licenciement d’une salariée pour port de voile, datant d’il y a 10 ans, a été annulé.

Du progrès à faire il reste, or sur la bonne voie nous sommes ! Selon l’étude 2018 de l’Institut Randstad le fait religieux en entreprise « se banalise » et devient « moins conflictuel que le travail lui-même ».

Parwa Mounoussamy

Sources et bibliographie :
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