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Nouvelles attentes des collaborateurs post COVID19 : quelles conséquences pour vous, managers ?

Pierre-Yves Goarant, expert du dialogue social au sein de notre cabinet AlterNego, porte son regard sur l’évolution des attentes des salariés en entreprise et l’impact sur le climat social :

« Depuis mars 2020, collaborateurs et managers sont unanimes : nous sommes dans une période inédite qu’il faut résolument accompagner. L’empreinte laissée par la crise sanitaire a, comme dans les métiers « télétravaillable », catalysé des pans entiers sur lesquels les organisations sont dans l’obligation de repenser leurs modèles : après l’urgence vient la maturité. Le retour au travail s’oriente vers une forme hydride, qui consiste à mixer le télétravail et le bureau. Ce choix offert aux collaborateurs – car n’oublions pas que le télétravail ne peut être imposé unilatéralement – est une opportunité pour retisser le lien entre les managers et les collaborateurs afin de mesurer ensemble les nouveaux enjeux des fonctions latentes du travail ».

L’évolution du rapport au travail révèle des attentes différentes au fils du temps et toujours plus nombreuses. 

Effectivement, les entreprises font face aujourd’hui à une demande de télétravailler bien plus forte qu’auparavant. Les nombreux confinements vécus par les individus pendant la crise sanitaire ont été catalyseur de l’engouement pour cette nouvelle modalité de travail. Qui n’a pas apprécié au moins une fois de travailler en pyjama depuis chez soi toute la journée ? Plus de trajet jusqu’au bureau, de bouchon trop long en voiture ou de métro entassé, pour apprécier le silence (quand les enfants étaient à l’école) et un cadre entièrement à soi…ce sont bien ces vertus qui ont séduit le plus grand nombre. Cela reste toutefois à nuancer : tout le monde n’a pas eu les mêmes conditions de confinement et l’un des principaux revers du télétravail a été l’accroissement du sentiment d’isolement.

Malgré tout, ce nouveau mode de travail était déjà en train de se mettre en place bien avant l’arrivée de la Covid-19 et répondait à une attente forte des employés directement liée à leur rapport au travail.

En effet, le rapport au travail des individus évolue et révèle leurs nouvelles attentes au sein des entreprises. Il est principalement corrélé avec l’évolution du cadre de loi sur le travail, du choix des investissements des organisations et des mœurs de la société. Si le besoin premier est historiquement et essentiellement lié à sa fonction de rémunération, la fonction du travail a progressivement englobé beaucoup plus de valeurs personnelles et de critères communs liés à la qualité de vie au travail.

Il est vrai qu’à partir de la révolution informatique et de l’ouverture des marchés dans l’essor de la mondialisation, les organisations des métiers tertiaires se sont transformées et ont impacté notre manière de travailler. « Zéro gâchis, zéro temps mort » devient le leitmotiv. Dans ces conditions, de nouveaux maux apparaissent, comme le stress ou le burn out. La valeur du travail est ainsi remise en question par les individus, et se retrouve au cœur du débat sur le véritable sens et le bien-être au travail.

Aujourd’hui, la contribution à l’entreprise et l’inclusion de toutes les identités au travail sont des sujets plébiscités par le corps social. En parallèle des mouvements d’affirmation de soi dans la société (#metoo, #blacklivesmatter, #translivesmatter etc..), l’entreprise est devenue un lieu où l’on veut à la fois participer davantage aux décisions stratégiques et faire tomber les normes du conformisme pour être reconnu et valorisé pour qui on est. 

Cependant, la crise sanitaire planétaire et les nombreux confinements, ont une nouvelle fois redistribué les cartes sur la fonction du travail, et le résultat est sans appel. De nouvelles attentes apparaissent et d’autres se confirment incontestablement.

Et qui sont les premiers acteurs à pouvoir réguler le quotidien des employés ? Sur qui repose la prise en compte de ces attentes et l’application de solutions concrètes ? Les managers.

Ce sont effectivement bien les managers qui se retrouvent à l’épicentre de cette vague d’attentes toujours plus nombreuses de la part des managés, un poids qui questionne de plus en plus de salariés avant de sauter le pas pour endosser ce rôle.

Mais finalement, quels sont les besoins principaux des individus à prendre en compte aujourd’hui pour le bon déroulement du retour des équipes sur le lieu de travail ? Quels sont leurs véritables impacts sur le rôle du manager ? 

L’étude internationale de Steelcase sur « l’évolution du travail et des attentes des employés » réalisée auprès de 32 000 participants a permis de mettre en lumière les 5 grands attentes actuelles des individus pour comprendre comment les managers pourront y répondre.

Dans ce contexte, quels sont les 5 besoins actuels fondamentaux des individus et leurs impacts sur le rôle des managers ?

1. La sécurité : les conditions sanitaires au travail

Il est vrai qu’après une année de pandémie, qui a mis en danger la santé de la population et qui a été au cœur de toutes les actualités, il n’est pas étonnant de voir la sécurité comme la première attente légitime des nouvelles organisations de travail. Les employés veulent se sentir protégés par leur entreprise à travers des actions concernant leur santé sur le lieu de travail. 

Si les entreprises se préoccupaient principalement de respecter le cadre de loi en termes de santé et de sécurité au travail, aujourd’hui il est question de rassurer les salariés, par une communication ciblée et adaptée, dans la mise en œuvre et le respect des protocoles de prévention sanitaire.

À cet égard, les managers devront appliquer une stratégie holistique et inclusive, visant à assurer la sécurité de tous les individus, indépendamment de leur âge ou de leurs problèmes de santé, pour revenir en toute sécurité sur un lieu de travail qui donne envie.

Ici, le rôle du manager s’élargit face à ce contexte inédit et pour faciliter le bon fonctionnement de son équipe de retour aux bureaux, la proximité du manager par l’écoute et par la disponibilité, et l’inclusivité par la prise en compte des différents besoins de chacun, en termes de sécurité et de soutien, seront essentiels.

2. Le sentiment d’appartenance : la question identitaire au travail

Si l’une des toutes premières questions que nous posons à quelqu’un que nous venons de rencontrer en France reste toujours : « que fais-tu dans la vie ? » c’est bien que le travail est plus qu’un travail, il occupe une place prépondérante dans notre identité. Il est un signe fort d’appartenance. L’appartenance à une culture d’entreprise, une activité, un métier, parfois un vocabulaire et surtout à un collectif. Ce constat est marqué par une double injonction aujourd’hui : le besoin d’une reconnaissance individualisée et collective.

Et pendant la pandémie, l’accroissement du sentiment de solitude a confirmé l’importance d’appartenir à une communauté soudée,tout en révélant la diversité des conditions et situations personnelles qui la compose.

Si « les interactions sociales et la reconnexion à l’entreprise comptent parmi les principales motivations pour retourner au bureau », l’enjeu pour l’organisation sera de pouvoir refaire collectif en tenant compte de toutes les individualités. 

Les managers devront alors tenter de conjuguer à la fois unicité (de chacun) et partage (avec le collectif), en favorisant une valorisation individuelle et collectiveIntégrer toutes les spécificités des membres des équipes dans les propositions de modes de travail (particularité physique, neurodiversité, tempérament etc..) autorisera de meilleures conditions de travail, facilitant ainsi la concentration et l’efficacité de tous. Le plus grand challenge sera néanmoins l’animation de ce collectif dans ces modalités individualisées et hybrides pour l’ensemble. Les efforts du manager devront être décuplés pour développer de la cohésionfavoriser le capital social et offrir la même expérience aux collaborateurs (feedback, évolution professionnelle, temps informel etc..) en présentiel et en distanciel, permettant ainsi de renforcer l’engagement et les liens sociaux

3. Le sens : l’utilité au cœur des contributions

Beaucoup de personnes ont revu leurs priorités pendant la période de la Covid19, et le sens de leur travail a été remis en question. Cette fois-ci c’est l’impact sociétal individuel et organisationnel qui est au cœur du sujet. Quel est l’impact de mon entreprise au sein de la société ? Quelle est mon utilité et impact positif sur l’environnement ?

Selon une étude du cabinet Deloitte en 2017, 63% des Français affirment que le sens proviendrait des managers et concernerait aussi bien les missions du quotidien que les valeurs de l’entreprise.

La raison d’être de cette dernière semble devenir un élément constitutif de son attractivité et de la motivation de ses employés. Pour garantir son application, elle doit être incarnée par toute la ligne managériale. 

L’enjeu pour les managers sera d’accorder du temps pour identifier les leviers de motivation des membres de leur équipe, en leur offrant un accompagnement de montée en compétences continue, et de leur attribuer une place à part entière au sein de l’entreprise. L’impact et la contribution de chacun seront d’autant plus à revaloriser dans des modalités de travail à distance. 

4. Le bien-être : la qualité de vie au travail

« Les employés ont identifié leurs besoins en termes de bien-être physique, cognitif et émotionnel, et ils souhaitent que leur entreprise y réponde en créant un espace de travail conforme à leurs attentes. »

Si la santé au travail a concerné pendant des années la prévention des TMS, troubles musculo-squelettique (par rapport à des tâches répétitives et difficiles dans le milieu ouvrier), le sujet s’est ensuite emparé des troubles psychiques, provenant de la pression des métiers du tertiaire. La prévention s’est alors tournée vers les RPS ou risques psycho-sociaux. 

Avec la crise sanitaire, on remet en lumière les TMS mais cette fois-ci dans le secteur tertiaire. Après avoir travaillé sur un canapé, des tabourets de comptoir ou autres, les individus attendent de leur entreprise encore plus de confort qu’avant. Ce confort revient davantage sur des conditions ergonomiques et matérielles (chaise de bureaux adaptée, salle de repos, salle de sport, espace de jeux etc.) mais n’efface pas pour autant le besoin en termes de conditions immatérielles, principalement liées à la régulation de la pénibilité de son travail (missions ou relations professionnelles).

Le manager est ainsi garant du bien-être global physique et psychique de ses équipes, que ce soit par du matériel adapté, des temps de pause, des horaires de travail délimités, et des sensibilisations (rappels, convention collective ou d’entreprise, chartes, formation etc..) sur le sujet. Aujourd’hui, après une année difficile, il a pour responsabilité de renforcer l’épanouissement de ses collaborateurs dans leur quotidien professionnel. 

5. La maîtrise : la flexibilité des temps de vie

L’attente qui vient se hisser au-dessus de toutes les autres est claire : les individus veulent allier davantage leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Et selon Michel Lallement, sociologue français, ce qui se joue aujourd’hui est que « chacun veut être acteur de sa propre vie professionnelle« . 

C’est pourquoi il est question de maitrise ici, il s’agit d’un contrôle explicite sur son équilibre des temps de vie. Le télétravail a permis un ajustement des contraintes professionnelles et personnelles et de l’aménagement de son temps. Pour autant, il a également contribué à l’élargissement des horaires de travail et un temps record de connexion aux écrans. 

Cette pratique du télétravail pendant la crise sanitaire a été un bouleversement pour les organisations et a engendré leur profonde mutation. Même si cette modalité existait déjà auparavant, elle a démontré sa faisabilité à grande échelle et s’est vue imposée dans les mœurs professionnelles. 

Cette transformation a tout de même été conditionnée par de nombreuses adaptations : repenser la culture d’entreprise, les processus, le management, les infrastructures technologiques et les stratégies immobilières. 

Désormais, les employés considèrent non seulement que le télétravail doit faire partie des options qui leur sont proposées, mais attendent également une transformation de leurs espaces de travail (multimodaux et multifonctionnels) pour alterner le travail collectif et le travail individuel.

Face au travail hybride, les managers devront faire preuve de confiance envers leurs équipes, en s’appuyant et en valorisant les résultats produits, et d’une grande capacité d’adaptation pour gérer une équipe diffuse. De plus, pour contrer les effets néfastes de cette modalité, ils auront la charge de porter une attention particulière au droit à la déconnexion par la régularisation de la charge de travail. 

Enfin, l’enjeu majeur sera de créer un nouveau cadre de travail inspirant, innovant, hybride et performant partagé par tous. 

Alors, quelles compétences pour le/la manager post covid ?

Besoins individuels et besoins collectifs, espaces fixes et espaces mobiles, présence physique et présence numérique, collaboration face à face et collaboration virtuelle, intimité et ouverture, ou bien encore vitalité de l’environnement, adaptation, confiance, transparence, inclusion, et résilience sont autant de nouveaux défis qui reposent sur les épaules du manager. 

Face à ce constat, celui-ci ne doit plus avoir quelques cordes mais un nombre infini de cordes à son arc, de compétences humaines, stratégiques, de leadership, de communication, d’inclusivité, etc. Et même si la compétence clé, au global, semble être l’agilité, elle n’apparait pas suffisante pour faire face à toutes ces attentes.  

Mais quel est le mandat donné aux managers par les entreprises ? À quoi doivent-ils répondre en premier ? Quels sont les moyens mis à leur disposition pour répondre à ces enjeux ? 

La transformation managériale semble être incontournable pour apaiser la pression du manager, redorer l’image de ce poste et protéger le climat social. 

La réponse dans le prochain épisode…

Emma Teixier avec la précieuse relecture de Pierre-Yves Goarant

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