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C’est la saison des N.A.O !  

Beaucoup d’entreprises françaises se retrouvent, en ce mois de janvier, contraintes de se livrer à un exercice difficile, celui de la négociation annuelle obligatoire… des salaires. Pour l’essentiel, la N.A.O. porte sur les sujets suivants :

  • Les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise (conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, conditions de travail et d’emploi, etc.) (article L. 2242-5).
  • La suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes (article L. 2242-7).
  • Les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l’augmentation de la durée du travail à la demande des salariés, la formation ou la réduction du temps de travail (article L. 2242-8).
  • L’évolution de l’emploi dans l’entreprise, et notamment le nombre des contrats de travail à durée déterminée, des missions de travail temporaire, le nombre des journées de travail effectuées par les intéressés, les prévisions annuelles ou pluriannuelles d’emploi établies dans l’entreprise (article L. 2242-9).

Le régime de prévoyance maladie et la question des travailleurs handicapés font également partie des sujets évoqués.

Les Directeurs généraux de PME et les directeurs des ressources humaines des grandes entreprises doivent présenter officiellement aux partenaires sociaux des propositions sur ces thèmes, ou bien faire face à des revendications.

Les guerres de position

Les guerres de position sont souvent la règle ; elles se développent dès lors que l’une des parties présente une revendication chiffrée, et que son adversaire réplique par une réaction sur le même plan.

  • Organisation Syndicale (OS) : Bonjour, au nom de notre organisation syndicale, qui je vous le rappelle, représente 54% des voix aux dernières élections professionnelles, nous vous demandons une augmentation générale des salaires de 7% pour tous.
  • Direction Générale (DG) : Votre revendication est complètement en dehors des clous, vous ne vous rendez pas compte de ce que l’entreprise a subi cette année avec l’augmentation des coûts des matières premières et la baisse de volume vendu suite aux attaques de la concurrence internationale.
  • OS : Votre argumentation est illégitime ! Vous savez qu’il y a de l’argent dans la caisse et nous saurons vous le faire sortir.
  • DG : Mesdames, messieurs, un peu de calme, soyons raisonnables, vous savez qu’il faut tenir nos budgets et rester rationnels ; l’inflation n’a été l’an dernier que de 1,4% hors tabac et nous ne pourrons même pas cette année vous garantir une augmentation de salaire qui compense l’évolution des prix.
  • OS : Puisque vous le prenez comme cela, nous vous prévenons que les salariés ne se laisseront pas soustraire du pouvoir d’achat, une fois encore, alors que vous vous êtes versé l’an dernier 20% de plus en dividendes ! Ne nous obligez pas à aller chercher notre juste et légitime augmentation de pouvoir d’achat à la barrière de l’établissement !
  • DG : Ne vous énervez pas ! Vous n’obtiendrez rien de bon en nous menaçant. Quand il n’y a pas de marges de manœuvre, il n’y a rien négocier !
  • OS :  Nous verrons bien. Nous suspendons la séance jusqu’à la semaine prochaine pour consulter la base. Elle saura bien vous faire entendre raison.
  • DG : C’est cela, réfléchissons et voyons-nous sans énervement, en regardant les efforts que chacun peut consentir…

La suite, tout le monde la connaît : il y aura trois à cinq réunions étalées sur un à deux mois, avec des contacts off, qui se solderont par une augmentation moyenne générales des salaires bruts de 2,3% à 3,5% en fonction du rapport de force et de la pression exercée d’un côté par les salariés, de l’autre par les actionnaires.

Ce résultat sera forcément assorti d’une prime de 20 à 150 € par salarié, d’une augmentation de «la prime de vacances », d’un engagement plus ou moins précis pour effectuer des gains de productivité et d’une amélioration du système de prévoyance, ainsi que d’engagements réciproques pour ouvrir à une date plus ou moins déterminée des négociations sur les accords de méthodes, sur la parité hommes-femmes, et sur les risques psycho-sociaux…

La coopération créative

Pourquoi ne serait-il pas possible de rêver d’une autre discussion ?

  • OS : Bonjour, au nom de notre organisation syndicale, qui je vous le rappelle, représente 54% des voix aux dernières élections professionnelles, nous vous demandons une augmentation générale des salaires de 7% pour tous.
  • DG : Vous avez décidé au sein de votre organisation syndicale, et j’imagine après consultation de la base des salariés de l’entreprise, de présenter cette revendication face à un malaise et une inquiétude réelle ?
  • OS : Effectivement, nous voyons tous les jours notre pouvoir d’achat se dégrader pendant que la part réservée à la rémunération du capital augmente systématiquement.
  • DG : Vous restez persuadés que la part de la rémunération du travail se dégrade au profit de la rémunération du capital ? Accepteriez-vous que nous regardions ensemble quelques chiffres d’évolution comparée depuis trois ans ?
  • OS : Cela ne sert à rien, vous allez encore nous emberlificoter avec des chiffres que vous avez manipulés et, si tel est le cas, nous vous prévenons que nous nous réservons le droit d’émettre un droit d’alerte qui va vous coûter très cher !
  • DG : La confiance n’existe donc pas entre nous. Comment pourrions-nous, à partir de faits constatés en commun, construire des chiffres incontestables à vos yeux ?
  • OS : Comment voyez-vous cela ?
  • DG : Nous vous proposons de construire un calendrier de négociation en cinq étapes : une première étape consistant à rassembler vos chiffres et les nôtres pour avoir une base solide de discussion ; une deuxième étape pourrait aboutir à définir les bénéfices disponibles avant de décider à quoi et à qui l’attribuer ; la troisième étape permettra de se mettre d’accord sur les priorités en termes de rémunération, d’emploi et de conditions de travail ; la quatrième étape servira à sélectionner les options en fonction des avantages et des inconvénients pour les salariés, pour les actionnaires et pour l’entreprise, et à ne retenir que celles qui comportent autant d’avantages pour les uns que pour les autres.
  • OS :  Et la cinquième ?
  • DG : Elle consistera à écrire un accord en commun sans oublier de préciser les désaccords persistants et de définir un nouveau calendrier de négociation.

On peut rêver et surtout ne pas oublier les obstacles classiques à cette coopération créative vertueuse

  • OS : Bonjour, nous avons consulté la base et notre fédération, qui contestent vos positions, et nous vous prévenons que si d’ici demain midi il n’y a pas eu au minimum accord sur 5% d’augmentation plus une prime de 500 € par personne, nous serons dans l’obligation de cesser le travail, et vous porterez alors une lourde responsabilité vis-à-vis des clients !
  • DG : Comment pensez-vous que l’on va pouvoir construire des améliorations significatives pour l’ensemble des salariés si vous nous mettez un ultimatum ? Comment imaginez-vous que vont se comporter nos clients en constatant les ruptures d’approvisionnement ? Ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux aujourd’hui examiner ensemble comment protéger l’emploi existant, réduire la précarité, faire évoluer les basses rémunérations, améliorer les qualifications, et ouvrir ensemble une négociation dont le thème pourrait être : « comment améliorer salaires, conditions de travail et employabilité en créant un nouveau mode d’organisation élargissant le gâteau » ?

Yves Halifa

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