En novembre, l’association Movember – contraction de moustache et november – nous invite à porter la moustache. L’objectif : une sensibilisation à grande échelle sur les questions de la santé masculine, dont on parle trop peu, visant à réduire le taux de décès prématurés des hommes. Décryptage par notre experte Parwa Mounoussamy, psychologue clinicienne spécialisée en psychologie interculturelle.
Quelle est ta lecture de cette actualité ?
Ce mouvement Movember nous rappelle la place importante occupée aujourd’hui par les associations, campagnes de sensibilisation et mouvements citoyens dans le domaine de la santé.
Le rapport au corps médical comme unique « expert sachant » a profondément changé depuis les années 80, notamment avec l’arrivée d’internet. Ceci est particulièrement vrai concernant les maladies chroniques car les personnes atteintes et leurs proches, souvent à l’origine de ces initiatives associatives, en ont une réelle connaissance par l’expérience. Pourtant, elles sont souvent les mieux placées pour soutenir et orienter les personnes atteintes de telles maladies chroniques… D’ailleurs, les institutions de santé n’hésitent pas à envoyer leurs patients vers ces associations qui peuvent les accompagner dans leur quotidien, avec un œil averti sur la réalité psycho-sociale de leur maladie.
Par ailleurs, les plus représentatives de ces associations sont invitées à discuter des avancées de la recherche et apporter leurs observations, font du lobbying auprès des groupements pharmaceutiques, jouent un rôle important sur le débat public et l’évolution de la prise en charge. Ainsi l’expertise santé se collectivise et se politise dans le bon sens du terme. La fondation Movember par exemple met en avant, dès les premières lignes de sa présentation, son refus de recevoir des financements gouvernementaux comme gage de la neutralité de son positionnement.
Quelles problématiques cela soulève t-il ? movember
Il s’agit ici d’une action qui vise spécifiquement le cancer de la prostate et des testicules, ainsi que la santé mentale et le risque suicidaire chez les hommes. Ces sujets sont restés longtemps tabou car ils touchent directement l’image de l’homme dans une virilité stéréotypée. L’initiative Movember a trouvé comment les aborder avec un positionnement frais, en s’appropriant un symbole de la masculinité – la moustache.
C’est une action qui nous montre comment nous pouvons tous, par des gestes simples et à l’ère des réseaux sociaux, participer à la modification des représentations collectives autour de certaines maladies particulièrement stigmatisées. En s’autorisant à en parler, on en « apprivoise » l’image et on l’intègre dans notre réseau de représentations. Nous sommes donc mieux armés pour aborder le sujet plus confortablement et de façon plus respectueuse et empathique.
Les questions de la santé mentale et prévention du suicide sont corrélées a toute maladie chronique, et la fondation Movember a bien compris l’enjeu en les mettant en avant au même titre que les pathologies du corps.
En quoi cela interpelle le monde de l’entreprise ? Movember
Les actions de sensibilisation relayées dans la sphère professionnelle permettent de réduire les peurs des collègues et/ou de la hiérarchie. Elles se destinent aussi à mettre en place des actions concrètes en mesure de soulager le quotidien d’un collaborateur ou d’une collaboratrice atteint·e par une maladie chronique.
- Au niveau managérial, l’idée est de développer une écoute empathique et un soutien si la personne se confie à son manager, ce qui permet de se sentir entouré et faire baisser la sensation de solitude. Il peut aussi s’agir d’aménager le temps ou poste de travail pendant le parcours de soin de la maladie en dehors des temps d’arrêt.
- Au niveau RH, ces initiatives visent à améliorer l’accompagnement, que ce soit dans le cadre d’un retour au travail après un arrêt de longue durée ou pour le maintien dans l’emploi de façon générale. Les actions de sensibilisation permettent aussi d’éviter les problématiques de discrimination en lien avec la maladie et son parcours de soin.
Parwa Mounoussamy