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Journée internationale des femmes juges

A l’occasion de la journée internationale des femmes juges, nous souhaitions nous attarder le temps de quelques lignes, sur la situation des femmes dans la magistrature comme un cas d’école montrant la persistance des barrières structurelles et culturelles à l’origine du plafond de verre.

Petite histoire des femmes dans la magistrature

La féminisation des professions de droit commence dès 1900 avec la loi permettant aux femmes de devenir avocates, mais il faudra attendre le 11 avril 1946 pour qu’une loi soit votée et dispose que « tout Français, de l’un et l’autre sexe, peut accéder à la magistrature ».

Née en 1900, c’est Charlotte Bequignon Lagarde qui devient la première femme magistrate française dès 1946 lorsqu’elle nommée à la Cour de cassation par Charles de Gaulle alors à la tête du gouvernement provisoire. Elle est aussi la première femme agrégée de droit privé en 1931.

La magistrature s’est très largement féminisée depuis et ce dès le début des années 2000. En 2002, 50% des magistrats étaient des femmes. Elles sont 67% aujourd’hui. Cette féminisation s’est faite à la faveur de la large féminisation des études de droit et de la désaffection des juristes masculins pour la magistrature. La promotion 2020 de l’École nationale de la magistrature comptait ainsi 74% de femmes.

Et la mixité alors ?

Autour de la féminisation de ces postes, survient une vieille peur, celle que les femmes ne rendraient pas justice comme les hommes, ce qui rendrait problématique qu’elles soient nombreuses. A cela Isabelle Rome répond dans une publication de la Cour de Cassation (parue avant sa nomination comme ministre du gouvernement Borne II) : « Il faut sortir des idées genrées. Les femmes ne jugent pas mieux que les hommes l’enfance, ni plus sévèrement qu’eux les personnes accusées de viol. Les magistrats sont tous formés à dépasser leurs ressentis immédiats ».

Elle ajoute « Personne ne s’est offusqué pendant des décennies du fait que la justice soit rendue majoritairement par des hommes. La féminisation n’est pas un problème en soi mais dans une démocratie moderne, nous devons avoir des institutions qui représentent la société. »

Quand le nombre ne suffit pas 

Malgré cette féminisation, toutes les grandes institutions du pouvoir judiciaire sont dirigées par des hommes. Une note du Conseil National de la Magistrature datant de 2020 en atteste « Les positions de chef.fe de juridiction montrent une forte masculinisation tout à fait atypique, eu égard à la féminisation du corps : les hommes deviennent chefs de juridiction à la fois plus jeunes, comparativement aux femmes, et bien plus fréquemment. Si 3% des hommes de 36-40 ans sont déjà chef de juridiction, c’est le cas de trois fois moins de femmes. Le sexe-ratio diminue un peu ensuite pour s’établir à 2 : les hommes étant deux fois plus souvent chefs de cour, à chaque âge, que les femmes ».

Des barrières structurelles et culturelles qui persistent

Pour comprendre cet écart, on peut s’intéresser au travail des chercheurs Yohann Démoli et Laurent Willemez qui ont étudié les déroulés de carrière afin d’identifier les moments charnières et donc éventuellement les points de décrochage entre les femmes et les hommes. Ils dressent plusieurs constats :

  • Les personnes entrées par le concours externe occupent plus facilement des hauts postes que celles issues des concours internes.
  • Le passage par la Chancellerie (ministère de la Justice) accroît fortement l’accès à la hors-hiérarchie, tout comme un détachement : « pour réussir dans la magistrature, il faut en sortir, au moins provisoirement ».
  • La mobilité géographique augmente les chances d’accéder aux hautes fonctions. Elle est au cœur des stratégies d’ascension. Cette note le précise : « Pour monter, il faut bouger, ce qui est parfois difficilement compatible avec la vie familiale (14 % des magistrats se déclarent « célibataires géographiques »). Et ce sont surtout les femmes qui renoncent à cette mobilité géographique. Les femmes ont parcouru en médiane 788 kilomètres depuis leur entrée en fonction, contre 1 060 kilomètres pour les hommes. Les choses sont néanmoins différentes quand les deux conjoints sont magistrats et peuvent mener de concert des stratégies professionnelles parallèles ».

Conclusion

L’exemple de la situation des femmes dans la magistrature nous montre que pour véritablement promouvoir la mixité, il ne s’agit pas de « laisser faire les choses », ni de se contenter d’une forte féminisation qui se ferait « naturellement. » Mettre en place une politique volontariste d’accès des femmes à des hauts postes ne saurait suffire non plus.

Les politiques de diversité et d’inclusion doivent être pilotées, si ce n’est pas le cas les organisations prennent le risque que les barrières structurelles et culturelles finissent par rattraper les populations visées. Au même titre qu’il ne suffit pas de mettre en avant des rôle-modèles pour favoriser l’accès des femmes à certains postes, il ne suffit pas que les femmes existent dans une institution donnée pour que le plafond de verre se brise.

Les stratégies d’accompagnement des carrières doivent donc être au cœur des politiques d’égalité professionnelle.

Retrouver les portraits des « pionnières de l’histoire judiciaire » sur le site internet du réseau Femmes de Justice !

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