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Le documentaire d’Inoxtag vu par Renaud Fulconis, coach des aventuriers 

Avec plusieurs millions de vus au compteur, difficile de passer à côté de Kaizen, le documentaire viral d’Inoxtag sorti le 14 septembre 2024 dernier. Devenu un véritable phénomène sur les réseaux sociaux et dans les médias, le youtubeur de 22 ans y raconte son ascension de l’Everest mais aussi la préparation mentale et physique qui l’a mené à gravir la plus haute montagne du monde.

Alors que retenir de ce projet d’envergure qui fait parler de lui ? Pour se faire une idée, on a demandé à Renaud Fulconis, coach professionnel auprès des managers et dirigeants, et préparateur mental des Ultra-Trailers et aventuriers ce qu’il en a pensé. Voici son avis.

Vertigineux ! C’est le mot que j’avais dans la tête à la fin du film.

Au cours des 2h30 du documentaire, j’ai été subjugué par la qualité des images et la beauté des paysages. Plus encore, j’ai été, emballé, impressionné et ému. Je vois dans la personnalité d’Inoxtag, celle d’un jeune homme peut être égocentrique mais qui témoigne bien de la volonté sans faille nécessaire pour réaliser son rêve. Sans jamais cacher sa vulnérabilité. Une exceptionnelle source d’inspiration pour une jeune génération souvent en quête de sens, comme pour bon nombre des adultes que nous sommes. Un film critiqué par quelques-uns et surtout encensé par beaucoup, de Mike Horn à Leon Marchand et déjà vu, à l’heure où j’écris ces lignes, par plus de 37 millions de spectateurs.

À mon sens Kaizen n’est pas un documentaire sur la montagne ni le récit d’un exploit, c’est un film sur la sortie de sa zone de confort, sur ce qui s’offre à nous lorsque nous faisons un pas de côté pour nous en extraire. Kaizen est une invitation à nous mettre en mouvement, à lâcher nos écrans, à être meilleur(e) que celui ou celle que nous étions hier. Car si la zone de confort répond à notre besoin de cadre, de sécurité, de contrôle et nous permet de ne pas nous confronter à la peur comme d’éviter l’échec toujours possible, elle finit le plus souvent par être source de frustration. Alors comment en sortir pour atteindre ses objectifs ? Et quels enseignements peut-on en tirer pour le monde du travail ? Tour d’horizon des messages clés.

Message 1 : savoir bien s’entourer

Si Inoxtag dispose d’une popularité lui permettant d’attirer les sponsors sans difficulté et de rassembler un budget à sept chiffres afin de réaliser son projet, il a su s’entourer d’une équipe solide et soudée. À aucun moment, je ne l’ai vu se mettre en avant, user de sa popularité comme un vecteur de supériorité. J’ai été frappé par son humilité, sa capacité d’apprentissage et son envie d’oser ! Aux côtés du guide Mathis Dumas, il a fait ses classes en ne partant de rien, sans aptitude particulière. Il était à la source du projet et disposait de ce fait du statut de leader, il n’a cessé d’adopter une position basse pour devenir chaque jour plus fort et se rapprocher de son Everest. Comme le dit Inoxtag : « Ce que l’on retient, ce n’est pas l’objectif, c’est le fait de devenir meilleur sur le parcours, petit pas par petit pas. »

Mais ce n’est pas tout, ses proches y contribuent aussi. Mathis bien sûr, Idriss Hanma qui l’accompagne dans sa préparation physique, les équipes du film et de ses ascensions népalaises, ses amis et ses parents, dans l’ombre mais exceptionnellement présents. Un leader est audacieux et aussi éveillé, attentif à l’univers incertain dans lequel il chemine. Dans son projet, Inoxtag s’appuie sur la complémentarité de l’ensemble de ses équipiers afin d’y trouver les sources de sa performance. Ce faisant, il n’a cessé de renforcer ses capacités mentales et sur l’Ama Dablam, alors que renoncer était envisagé, il a pu trouver la force inouïe de poursuivre et d’entrainer les autres derrière lui.

Message 2 : se donner les moyens d’atteindre son objectif


Monter sur l’Everest requiert de véritables facultés : une excellente condition physique et mentale et la capacité de gérer le stress inhérent aux conditions climatiques extrêmes et changeantes, à l’hypoxie liée à l’altitude, la proximité du vide, aux crevasses, aux séracs, aux possibles avalanches, comme au sommeil de mauvaise qualité dans les camps vers le sommet.

C’est à l’issue d’une année intense de préparation qu’Inoxtag a atteint le toit du monde. Il a ainsi découvert la montagne avec Mathis Dumas en travaillant beaucoup. Il a fait preuve de rigueur, de discipline et d’une incontestable persévérance et volonté d’apprendre. Il a fait confiance à ceux qui savaient, a suivi les traces de son guide et a montré ou rappelé à ceux qui le suivent comme aux spectateurs du film, que l’exceptionnel potentiel dont nous disposons est bien présent, mais trop souvent enfoui. Si le sommet est l’objectif, chaque étape pour y parvenir nous fait grandir. Sortir de notre zone de confort, déconnecter, débrancher, vivre l’instant est à la portée de chacun de nous. En prendre conscience et se l’approprier, c’est avoir fait le plus dur. Reste ensuite à choisir son Everest – chacun peut avoir le sien – et à se mettre en mouvement pour y parvenir !

Message 3 : prendre en compte son environnement global


Pour finir, j’ai apprécié qu’un coup de projecteur soit mis sur le travail remarquable des équipes népalaises, souvent négligées, et sur les impacts négatifs considérables dont découle une exploitation commerciale peu raisonnée de l’Everest. Cela quand rappelons le, le billet d’entrée tourne autour de 50 000€. Ici comme ailleurs, la sur-fréquentation d’espaces naturels fragiles est source de problèmes croissants pour l’environnement et les communautés locales. L’Everest est devenu une décharge et des toilettes à ciel ouvert. Pour beaucoup, atteindre le sommet est l’objectif, quel qu’en soit le prix à payer pour la nature.

L’occasion de rappeler que certains choisissent des objectifs tout aussi ambitieux, sans impact négatif. Les deux n’étant en rien incompatibles. Deux fois vainqueur de l’Ultra-Trail du Tor des glaciers, mon ami Sébastien Raichon battait début août 2021, un autre record, celui de la Grande traversée des Alpes sur le GR5***. Une balade de 150 heures pour les 630 kilomètres du parcours, avec 33 600 mètres de dénivelé positif et réalisée seul, sans sponsors, en toute discrétion sur le mode wildnism. Le tout avec un bilan carbone proche du zéro.  

Des messages que nous sommes toutes et tous, en mesure de nous approprier.


Au fil de mes accompagnements comme coach et préparateur mental, je ne cesse de voir des points communs entre les enjeux des alpinistes, des ultra-trailers et explorateurs polaires, et ceux des managers, dirigeants et équipes dans le contexte professionnel. Sur notre lieu de travail comme dans nos loisirs, nous sommes toutes et tous capables d’accomplir bien plus que nous ne l’imaginons.

Et pour cause ce que j’écris plus haut, s’applique aussi dans le monde des organisations. Que nous ayons besoin de nous sentir vivant, compétent, digne de confiance, voulu, aimé ou acceptable tel que le décrit Process Communication Model® développée par le psychologue américain Taïbi Kahler, nous pouvons atteindre nos propres sommets si nous savons répondre à nos besoins… À condition de nous autoriser à les entendre. Il n’est jamais trop tard !

Renaud Fulconis

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