C’est l’histoire d’un anti-héros des temps modernes balloté par la houle du monde du travail. Va-t-il s’en sortir ? C’est l’histoire de nous tous, quand il s’agit de trouver un travail qui nous plaise vraiment. A nous !  

Jour 1 

Blanc dans la tête. Espace vide pour ne pas dire trou noir. Je suis viré ! Je sors du bureau hagard, j’imagine mon œil devenu torve, comme ceux des maquereaux, mes jambes ne répondent plus à l’appel, elles sont deux pantins qui vivent leur vie, indépendantes de mon cerveau. J’ai souri bêtement devant la DRH. Viré pour faute lourde. Je n’ai toujours pas compris quelle était la faute. Ce n’est quand même pas au week-end d’intégration avec Bruno quand on a pété l’imprimante ? Pas d’indemnité ! Et alors le sol qui se dérobe sous mes pas. La peur m’étreint, j’ai mon crédit, deux enfants dans des écoles, je dois jouer mon rôle. Mal dans la gorge. Ça racle. J’ai les boules. Encore plus après avoir croisé Sarah et Fabien en sortant du bureau de la DRH qui ne cachaient pas leur joie de me voir partir. Alors, tout le monde était au courant ? Pas de tape sur les épaules au moment où j’ai quitté l’open-space, aucun geste de sympathie de mon équipe. J’ai été si salaud que ça ? Franchement. Grand blanc. J’ai glissé jusqu’à la sortie.  

Et puis, je ne sais pourquoi, en poussant la porte, un instinct de survie, j’entame une longue respiration, je regarde le ciel, je m’y perds, on est au moins au mois de septembre, c’est la rentrée, je m’en tape. Les cinquante ans ne sont pas loin, pas vraiment la vie devant moi. Un regain d’énergie me pousse jusqu’au métro, à peine un regard sur cet immeuble qui m’a accueilli pendant huit ans, et le métro je ne le prendrai pas. Je remonte l’avenue, mes épaules se libèrent, une nouvelle aventure commence, c’est certain. Même pas eu le temps de toucher le fond. Curieux. Ça viendra peut-être.  

Jour 4 

Premier rendez-vous pris avec une chasseuse de têtes, trois jours après la pseudo catastrophe. En apesanteur ces trois jours, striés par les regards compatissants de mes amis, certains sont au chômage, on est sur le même radeau. J’ai eu le contact par une amie, il paraît qu’elle est bien. Je me suis dit, pourquoi se priver de l’appeler, il vaut sans doute mieux être accompagné. Je n’ai jamais vu de chasseur, je me la figure avec un pique et des têtes au bout. Glaçant. Elle décroche tout de suite. Ça va vite, même trop vite, j’aurais voulu avoir plus de temps. J’entends un sourire dans sa voix, ça me soulage. Deux minutes suffisent pour lui expliquer ma situation. On dirait qu’elle ne fait pas grand cas de cette fin de contrat, elle a l’air de trouver ça normal ou bien, autre option, elle n’a pas le temps de me parler. A la frontière des cinquante ans, on doit être plus d’un à se bousculer au portillon. Une question : qu’est-ce qui fait sens pour vous ? Elle me demande de réfléchir comme ça. Je ne m’étais jamais posé la question. Qu’est-ce qui fait sens pour moi ? Un jeu de piste. Je demande autour de moi, peu se la sont posée. Curieux aussi.  

Jour 7 

Je suis à la campagne et je regarde les canards et je me demande pourquoi il y en a un qui est le chef des autres.  

Jour 10 

Je m’habille comme pour un dîner en ville, je rencontre Emilie, la chasseuse de têtes, en vrai, ma cravate matche parfaitement avec ma chemise, un coup de parfum, j’hésite, ça fait peut-être un peu trop, et me voilà bien. Je décide d’y aller à pied, le soleil cliquette, je suis décontracté. Si on m’avait dit que je réagirai comme ça…  

Je sonne à son immeuble dans le 8ème, on verra bien, un jeune homme me propose un café. Les bureaux me plaisent, je monte les escaliers allegretto, je suis léger. A tort.  

La veille, j’avais répondu à son questionnaire de personnalité, une centaine de questions, je l’avais fait sincèrement, en y croyant, je voulais qu’on me reconnaisse tel que je suis. Un peu comme ces gars qui veulent être aimé pour ce qu’ils sont. Je réponds franchement, pour une fois il n’y a pas de hiérarchie.  

Je suis étonné, elle ne ressemble pas à sa voix. Plutôt décontractée pour un cabinet de conseil. Une veste quand même. Elle m’accueille comme si j’étais l’ami de la famille, pourtant, je me sens observé sous toutes les coutures, j’ai bien fait de mettre cette chemise. Tout compte, pour elle alors ? Faut pas se faire des films non plus, je me dis.  

Une longue conversation commence, je me laisse questionner, des idées me viennent, il y a du jeu dans les rouages, c’est plutôt agréable, la tête au bout de la pique s’éloigne… Je suis volubile. Tout à coup, elle me coupe et me demande ce qui a du sens pour moi. Je ne sais plus répondre. J’ai cherché pourtant, tous ces jours. Ce n’est pas possible, je n’arrive pas à y répondre, je me sens con. Elle me dit « je n’ai rien, là, mais j’ai peut-être une idée pour vous… » 

…. À Suivre.