Le 20 mars marque le début du printemps … mais pas seulement ! C’est aussi, depuis 2012, la journée mondiale du bonheur. Éclairage par Stefanie Reetz, docteure en sociologie et experte en qualité de vie au travail.
1/ Quelle est ta lecture de cette journée mondiale ?
Une précision s’impose. Si on parle bien de la « journée du bonheur », l’ONU, qui fut à l’initiative de cette célébration, souligne bien que « la poursuite du bonheur est un objectif fondamental de l’être humain ». Comme pour la journée internationale des droits des femmes, chaque mot compte. Car si l’ONU reconnaît ainsi le droit de tous à être heureux, c’est bien la dynamique de « poursuite du bonheur » qui fait enjeu.
2/ Quelles problématiques cela soulève-t-il ?
Cette journée soulève une question essentielle : mais quel est ce bonheur que nous poursuivons tous ? D’un point de vue philosophique, il s’agit d’un état de satisfaction de nos besoins et de nos désirs, à la fois stable et durable. Ainsi, le sentiment de bonheur diffère de la joie, qui est une émotion plus ponctuelle et plus intense.
Cette réponse appelle une nouvelle question : est-ce que l’on atteint vraiment un jour cet état stable et durable ? La poursuite du bonheur ne serait-elle pas plutôt à considérer en tant qu’énergie motrice, qui nous pousse à faire des choix et à être dans la vie ?
Par ailleurs, notons que le bonheur est quelque chose de très subjectif : puisque nos désirs et nos aspirations nous sont propres, chacun définira son état de bonheur dans toute sa singularité.
3/ En quoi ce débat impacte-t-il le monde de l’entreprise ?
Depuis quelque temps, on voit fleurir des chief happiness officers (CHO) dans les entreprises. Ces derniers sont-ils seulement chargés de positionner des babyfoots dans les espaces de travail, ou ont-ils vraiment les moyens de travailler sur ce qui affecte le bien-être des collaborateurs ? Cette question paraîtra peut-être ironique, mais elle interroge le fondement de leur mission : est-ce réaliste d’infuser du bonheur au travail ? Est-ce seulement possible ?
Les CHO font en effet face à un double challenge. D’une part, puisque le bonheur est une considération personnelle, comment établir les critères d’un bonheur collectif ? D’autre part, si l’on considère le bonheur comme cet état de satisfaction stable et durable, alors comment le mettre en place dans un environnement professionnel en perpétuelle évolution? Le changement est de fait le propre de l’entreprise aujourd’hui !
Cette journée du bonheur m’apparaît donc utile pour soulever la nécessité de se saisir des éléments qui peuvent provoquer de l’insatisfaction au travail, c’est-à-dire du malheur. Cela permettra ensuite d’identifier les opportunités d’innovation qui feront progresser la qualité de vie au travail en concert avec la qualité du travail. Ainsi, je pense que la solution repose sur l’existence de processus de régulation permettant de nommer les facteurs qui empêchent le bonheur et de co-construire les solutions.
Sortons de l’injonction de devoir être heureux au travail, au plaisir d’identifier les raisons qui font que nous ne le sommes pas. Parlons-nous de notre bonheur oui, et osons nous parler aussi de nos malheurs !