tendance & société

Chic, j’ai perdu mon job
Épisode 2
Magie noire & carte bleue 

Chronique d’une recherche d’emploi

C’est l’histoire d’un anti-héros des temps modernes ballotté par la houle du monde du travail. Va-t-il s’en sortir ? C’est l’histoire de nous tous, quand il s’agit de trouver un travail qui nous plaise vraiment. À nous  

Jour 19 

Quelques jours passent, chaque heure draine son poids des possibles… Sans vraiment de possibilités pour être franc… Je commence à tourner en rond, trajet frigidaire-salon de plus en plus arpenté, à tel point que je vais bientôt pouvoir creuser une tranchée. J’en viens à envier ma femme qui part aux aurores et mes enfants, dans l’insouciance de leurs vingt ans.  

Pas de quoi se plaindre. 

La quête de sens commence par du vide, je me dis. En fait, j’y crois de moins en moins. Comment on peut faire du plein avec du vide ? Presque trois semaines se sont écoulées depuis que j’ai été viré comme un malpropre, et rien de notable depuis. Quand on travaille, on lorgne les gens qui ont le temps de prendre un petit café serré le matin, mais quand, du temps, on n’a que ça, on ne sait plus quoi en faire. J’attends dix-huit heures pour que la smala débarque, la vie reviendra !  

Jour 23 

Mon optimisme commence sérieusement à s’effriter, mon agenda est aussi blanc qu’une piste bleue. Je traînasse et lambine sur des sites internet, sur les internets comme disent ceux qui te souhaitent une belle journée en bas de mail après avoir fermé LinkedIn, parce que, franchement, la promotion des uns ne fait pas le bonheur des autres surtout quand l’autre c’est moi.   

Me taraude continuellement cette idée de sens et, magie des coïncidences, je tombe sur la page d’une voyante. Jamais fait cette expérience auparavant. Il y a un numéro, je me lance, de toute manière je n’ai rien d’autre à faire. La voix est suave, enveloppante, elle prend peu de renseignements, ce qui m’étonne. Elle me demande de lui envoyer ma photo et ma date de naissance. Je m’exécute, pas vraiment convaincu, mais bon, après tout, pourquoi pas ? La petite opération me coûte la modique somme de 80 euros. Quand même !  

Je l’imagine mi-sorcière mi-mannequin l’Oréal cheveux ondulants et ongles crochus « parce que je le vaux bien ». Je me demande aussi si elle peut voir le code de ma CB. 

Jour 24 

Je reçois un texto de la voyante, très sûre d’elle, Mes guides me disent qu’il faut contacter une autre personne, on a fait de la magie noire sur vous, c’est pour cela que vous êtes bloqué.  De la magie noire, vraiment ? Qui s’est amusé à cela ? Ai-je un ennemi caché ? J’embraye direct, dans un souffle, j’appelle, courroucé, la personne en question. « Allô, vous pouvez m’aider ? On a fait de la magie noire sur moi, il y a une histoire de talisman qui m’empêche d’avancer, si j’ai bien compris Viviane. » La personne m’assure qu’elle va nettoyer mes chakras, je ne savais pas qu’on pouvait passer nos chakras à la machine, ni vraiment ce qu’ils représentent. Est-ce qu’elle prie pour ça, fait des incantations, hurle dans les bois pour qu’on me libère ? Elle me dit que je vais être très fatigué quand elle opérera et, bizarrement, gros coup de mou à 15H00. Après, RAS, nada. Je ne me suis pas senti débarrassé d’un quelconque maléfice mais qui a donc pu me coller cet anathème ?  Ça, ça me turlupine vraiment.  

Bon, la chasseuse m’avait dit de trouver du sens, j’ai au moins agrandi mon univers.  

Jour 30 

(Lever 08:00 

Coucher 25:34) 

Jour 34 

Un matin comme les autres, car finalement, tout a la même couleur, la même saveur, mais un coup de téléphone retentit, oh, un pic d’activité ! C’est Émilie ! Quelle joie de parler à quelqu’un en prise avec le monde du travail, une bouée, un ancrage ! Je lui raconte mes chakras, les guides, elle me répond du tac au tac que je n’ai pas pris la bonne voie. « On va se revoir, hein, ce serait préférable. » Venez demain à mon bureau, j’ai un peu de temps, il faut que je vous remette sur les rails ». Bizarrement, j’ai plus confiance en elle que dans les voyants… 

Jour 35 

Toujours aussi tonique et enjouée, Émilie, ouvre grand la porte de son bureau, ce qui me fait penser qu’elle ne manque pas d’ouverture d’esprit. Et les esprits, j’ai donné, merci. 

Je lui confie que ma situation se détériore, que je doute « mais qu’êtes-vous allé faire dans cette galère ? » Je ne sais pas quoi répondre… le désarroi, peut-être ?  

« Bon, on va tout reprendre à zéro, vous vous gonflez un peu, un parcours comme le vôtre, ça en ferait pâlir plus d’un. Deuxièmement, vous allez appeler Asma, elle fait des ateliers pour des personnes en reconversion, autrement plus malin que le lavage de cerveau que vous avez subi. M’enfin, la magie noire, on marche sur la tête ! Allez zou ! »  

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