Imaginez que vous ayez un bébé souffrant de problèmes de digestion et qui pleure très régulièrement. Au bout d’une semaine, votre voisine sonne furieusement à la porte pendant la nuit et vous incendie : « Qu’est-ce que vous lui faites à cet enfant, vous le maltraitez ou quoi ? Est-ce que je dois appeler la DDAS ? » mouvements
Plutôt que de lui répondre par un autre mot finissant par « AS », ce qui ne ferait qu’envenimer le rapport de force, nous recommandons quatre mouvements tirés d’un art martial chinois, le wing chun, littéralement « vitalité sans fin ». Inventé au XVIIe siècle par une femme exceptionnelle, Yim Wing Chun, cet art martial a notamment été rendu célèbre par Bruce Lee, et plus récemment par Kung Fu Panda.
Premier mouvements: la grue
Il est important de ne pas faire du conflit une affaire personnelle. La grue connaît son équilibre et sait donc où le retrouver. Plusieurs astuces pour y parvenir : savoir dissocier qui l’on est de la fonction que l’on occupe ou encore imaginer l’autre dans une situation cocasse. Il faut aussi savoir respirer, faire une pause. Essayez de rester concentré sur l’objectif, comme lorsqu’on conduit une voiture et qu’un obstacle se présente sur la route : si vous vous focalisez sur l’obstacle, vous rentrerez dedans à coup sûr …
Deuxième mouvements: le serpent
En situation de blocage, plus nous argumentons, plus nous donnons prise à la contre-argumentation. Le mouvement du serpent consiste tout simplement à faire le contraire de ce que l’autre attend : manifester sa compréhension. En étant capable de comprendre ce qui se passe chez l’autre, je l’amène à être capable de comprendre ce qu’il se passe chez moi. Dans l’exemple donné en introduction, le serpent aurait tenu à peu près ce langage : « J’entends à quel point c’est pénible d’être réveillé la nuit. J’en suis désolé·e. Mon enfant a des problèmes de digestion. Serait-il possible d’en parler plus sereinement demain ? »
Troisième mouvements: le tigre
Le patron, la patronne d’une négociation n’est pas celui ou celle qui parle, mais bien celui ou celle qui pose les questions avec curiosité. Qui ?, Quoi ?, Comment ?, Où ?, Quand ?, Pourquoi ? sont des questions ouvertes qui permettent d’orienter les échanges, de remettre en doute les certitudes. Face à une menace, le mouvement du tigre permet de recadrer et de renverser une situation.
Prenons le cas d’une négociation d’achat où l’on vous dit : « Je veux 33% de remise où je vous déréférence ». Pour recadrer, vous pouvez répondre : « Quel est l’objectif de votre démarche ? », « Pourquoi ce chiffre de 33% ? Quelles sont vos références sur le marché ? » …
Quatrième mouvements: le dragon
Avec ses ailes, quelle que soit sa puissance, le dragon ne craint pas la chute. Peu importe l’art martial, la chute fait partie du combat et il faut l’assumer également en négociation. Le dernier des quatre mouvements vous invite à répondre : « Si je vous dis non à 33%, qu’est-ce que vous avez à perdre ? ». Amenez donc l’autre à prendre conscience qu’au-delà du prix, changer de fournisseur représente nombre de coûts cachés. Souvent, le fournisseur connaît bien le business de son client. Il a aussi su s’adapter à son environnement, il est apprécié par d’autres services internes à l’entreprise …
En tant que négociateur, il est important de repérer, puis de développer, les leviers d’influence adéquats qui permettront de mettre toutes les « chances » de son côté pour que l’issue de la négociation nous soit favorable, notamment en adaptant ses mouvements en fonction de son interlocuteur. Et comme le dit si bien Bruce Lee : « Respectez les principes sans être enchaînés par eux ! »
Jean-Édouard Grésy